(En)quête de patrimoine #8. Décembre 2021 : retour sur plus d’un an d’enquête
21 décembre 2021 , par ,
Suivez au fil des mois les avancées des découvertes de l’inventaire.
En septembre 2020, le Service du patrimoine culturel du Département de la Seine-Saint-Denis lançait la première édition de l’inventaire participatif (En)quête de Patrimoine. Prenant comme thème Qui a bâti le Grand Paris ?, cet inventaire, qui se déroulera jusqu’à l’automne 2022, permet aux habitants, curieux du patrimoine ou arpenteurs urbains de recenser les signatures d’architectes, entrepreneur.euse.s, sculpteur.rice.s qui ont bâti le Grand Paris.
Après plus d’un an d’investigation, 12 765 signatures ont été trouvées dans 142 villes grâce à l’œil affuté de 49 observateurs. Ces chiffres sont loin d’être arrivés à leur terme, nombre de rues au sein de ces villes n’ayant pas encore été explorées.
En Seine-Saint-Denis, 1 911 signatures ont été repérées, dont 406 (!) à Aulnay-sous-Bois, 146 à Drancy, 126 à Villemomble et 116 au Raincy.
Près d’un tiers des participants sont devenus des « Experts » dans le repérage des traces apposées sur les façades. À l’affut d’une plaque ou d’une signature gravée dans la pierre, ils ont patiemment répertorié et photographié les noms, fonctions, villes ou dates demandés.
Certains d’entre eux ont partagé une histoire, une anecdote concernant le bâtiment identifié ou le bâtisseur localisé. Leurs retours ont permis d’améliorer le site internet ou de modifier des observations.
Ces échanges généreux se sont également déroulés lors des animations organisées avec les Villes partenaires et Seine-Saint-Denis Tourisme. Balades urbaines, rallye-photo, conférence, concours-photo, jeux de pistes… les rencontres sur le territoire ont été aussi nombreuses que les conditions sanitaires le permettaient. Et, lorsque ce n’était pas le cas, les conférences virtuelles ont réuni des participants heureux d’écouter ou de découvrir l’histoire et le patrimoine de la Seine-Saint-Denis.
Les plus anciennes signatures identifiées dans le Grand Paris
En substance, et avant d’effectuer le bilan global qui aura lieu à l’automne 2022, cet inventaire permet d’ores et déjà de mettre en lumière un certain nombre de données. Celles-ci ne prétendent évidemment pas à l’exhaustivité, compte-tenu que le repérage n’est pas systématique.
En premier lieu, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la signature d’un maître d’œuvre n’est pas toujours associée à une profession. Oubli ou au contraire évidence pour certains architectes qui n’imaginent pas que d’autres professions pourraient y prétendre, ce phénomène reste cependant anecdotique puisqu’il ne représente qu’ 1% des signatures (les 2,7% restant concernent les signatures des maîtres d’ouvrage et des promoteurs de maisons qui se multiplient au cours du XXe siècle).
En deuxième lieu, la mention d’une date, sans être elle-aussi systématique, représente tout de même 60% des adresses enregistrées et nous permet ainsi de voir que la période la plus active correspond aux années comprises entre 1900 et 1910. Elle traduit très certainement une décennie particulièrement riche en construction, du moins dans l’ancien département de la Seine.
Enfin, les signatures recensées les plus anciennes se trouvent à Paris et remontent aux années 1835 (J.B. Lesueur, architecte), 1830 ou 1836 (Bringol, architecte). Le premier entrepreneur date de 1847. Il se dénomme Fournier et, aussi étonnant que cela puisse paraître, seul son nom figure en façade. C’est également le cas du premier sculpteur à ce jour identifié, A. Joussot qui signe et date son groupe d’angelots en 1854 (19 rue d’Aumale, 75009). Autre profession qui apparait à cette époque sur les façades, celle d’ingénieur civil en la personne de Charles Thirion (1827-1901). Diplômé de l’École centrale des arts et manufactures en 1852, il s’associe deux ans plus tard pour construire un immeuble avec l’architecte Pierre-Joseph Olive, avenue Beaumarchais.
En dehors de la Capitale mais toujours dans l’ancien département de la Seine, les dates les plus anciennes recensées sur les bâtiments remontent à 1857 à Neuilly-sur-Seine où l’architecte Alphonse Delton signe un immeuble 9 rue de Chartres [1]. De l’autre côté de Paris, il faut se tourner vers Saint-Mandé (12 rue du Lac) pour découvrir en 1868 un architecte (Richard) et un entrepreneur (V. Roussel) signer d’une seule voix ! Enfin au Raincy pour l’ancienne Seine-et-Oise, c’est à Paul Dolley (1848-1920) que l’on doit la première occurrence, en 1877, sur une très belle maison de ville située 10 allée Victor-Hugo. Comme nombre d’architectes à l’époque, celui-ci possédait deux adresses, une au Raincy (17 allée du rond-Point (1885), puis à partir de 1895 au 23 allée Victor-Hugo) et une à Paris (rue de Strasbourg) construisant ainsi indistinctement dans ces deux communes.
Les architectes de Livry-Gargan, Aulnay-sous-Bois et Villemomble
En ce mois de décembre 2021, des visioconférences et balades ont eu lieu à Montfermeil, Villemomble, Aulnay-sous-Bois et Livry-Gargan. À cette occasion, revenons sur deux figures importantes au sein de ces deux dernières villes, les architectes Émile Renard et Léon Coste. Le premier est diplômé par le Gouvernement et le précisera sur sa plaque, le second ne l’est pas mais, conformément à la loi, il est en droit d’exercer après s’être acquitté d’une patente. Tous deux ont beaucoup construit au sein des villes où ils habitaient, indistinctement maisons et immeubles, s’adaptant à tous les styles, allant de l’imposante villa en meulière, à l’immeuble Art déco, en passant par des immeubles plus modestes en brique. Autre point commun, ils avaient une autre adresse à Paris, l’un 12 rue de Strasbourg, l’autre au n°10 !
Émile Renard
Émile Renard (1873 Paris - 1943) aurait développé son goût pour l’architecture auprès de Paul-Dominique Mourgoin (1829 - 1912) également architecte et qui fut témoin de sa naissance. Il obtient son diplôme de l’École des beaux-arts en 1900 puis exercera à Paris Xe avant semble-t-il d’élire domicile à Livry-Gargan où naquit son fils en 1901. Auteur dans les années 1930 de l’école communale de la ville de Sevran, de deux groupes scolaires à Villepinte, il était également membre de la Société des Architectes Diplômés par le Gouvernement et membre de la Fondation Taylor, association des artistes, peintres sculpteurs, architectes, graveurs et dessinateurs. À ce jour, 27 signatures ont été recensées dans onze villes dont dix situées en Seine-Saint-Denis (Aulnay-sous-Bois, Les Pavillons-sous-Bois, Gagny, Le Raincy, Livry-Gargan…). Les plaques émaillées qu’il utilisa pour y inscrire son nom, son titre et sa commune prirent deux formes d’écriture, la première rappelle le lettrage Art nouveau?, la seconde, celui plus Art déco.
Léon Coste
Léon Coste (1875 Paris - 1957 Ermont) fut un architecte majeur pour la ville d’Aulnay-sous-Bois au sein de laquelle on dénombre de nombreuses maisons et immeubles qui portent son nom. Cet architecte s’y installe en effet au début du XXe siècle, lorsque Aulnay-sous-Bois portait encore le nom d’Aulnay-lès-Bondy et y exercera pendant près d’un demi-siècle. Architecte, mais aussi géomètre ou encore administrateur d’immeubles, expert près des tribunaux, il sera également membre de la Société Nationale des Architectes. Domicilié à Aulnay-sous-Bois avenue Germain-Papillon, il exerça également au Blanc-Mesnil la fonction d’architecte communal entre 1911 et 1920. À voir, la rue Coste à Aulnay-sous-Bois dont il fut le lotisseur et au sein de laquelle il réalisa un groupe de maisons qu’il destina à la location ou à la vente.
Ci-contre, une des six maisons construites par cet architecte dans la rue anciennement dénommée avenue Coste.
Paul Pilliard
Autre architecte, Paul Pilliard (1873 - 1913), également formé à l’École des beaux-arts dont il ressort diplômé en 1903. Il fut actif à Paris, Villemomble, Levallois-Perret où il signe plusieurs immeubles ainsi qu’à Montmorency où il était domicilié.
Animations en images
L’inventaire s’appuyant sur la photographie, le Département inaugure le 1er avril 2021 un concours photo Mon patrimoine en Seine-Saint-Denis.
Réunissant plus de deux cent participants, répartis en catégorie "Jeunesse’ et "Adultes", habitants et amoureux du patrimoine de la Seine-Saint-Denis ont envoyé leur vision du patrimoine.
Retrouvez les photographies lauréates du concours publiées sur l’EMag.
Le 3 juillet 2021 était organisé un rallye-photo à Villemomble. Réunissant une quinzaine de participants, l’appareil-photo en bandoulière, l’œil alerte, ce moment organisé dans le cadre de la fête de la ville a permis d’allier plaisir de la découverte et plaisir technique. Amateurs et membres du club photo de la ville ont ainsi constitué des équipes pour identifier le plus de signatures possibles présentes sur les façades et capturer de beaux détails architecturaux dont voici un florilège.
Autres moments forts de cette année : les Journées européennes du patrimoine en septembre les Journées nationales de l’architecture en octobre.
Terrains de jeux, les villes se découvrent sous la forme de jeux de piste à Aubervilliers, Villemomble et Aulnay-sous-Bois ou de balades urbaines à Livry-Gargan et Sevran.