D’une "architecture de papier" à un projet pionnier
Située 5 rue Paul Lafargue, la Ruche est l’une des toutes premières Habitations Bon Marché (HBM) de France. Originale et exceptionnelle à plus d’un titre, la Ruche concentre les orientations fondatrices du mouvement en faveur du logement social en France. Voulue par une élite de patrons enracinés à la Plaine Saint-Denis, la Ruche est édifiée en béton de mâchefer « Coignet » entre 1892 et 1896 environ.
La Ruche s’est, en fait, construite parallèlement à la lente adoption de la loi qui crée le logement social en France votée en 1894. Elle est née de la volonté des rédacteurs de cette proposition de loi réunis au sein de la Société française des Habitations à Bon Marché (SFHBM). Cette dernière s’est créée à l’issue du congrès international des habitations ouvrières de 1889 réunit à Paris dans le cadre de l’Exposition universelle. Emmenée par Jules Siegfried et Georges Picot, la SFHBM initie en 1890 le premier « concours pour l’étude d’HBM », avec la complicité de la Compagnie du gaz qui « prête » un de ses terrains situé à la Plaine Saint-Denis. La réussite de ce concours d’idées, dont le jury est présidé par Charles Garnier, fédère les « patrons sociaux » dionysiens qui créent la Société des habitations économiques de Saint-Denis en 1891 pour réaliser ce projet de papier signé de l’architecte Georges Guyon, assisté d’Ernest Picard, architecte. La Compagnie du gaz cède alors définitivement son terrain où Guyon entame ce chantier fondateur basé sur un programme? qui démontre l’indécision doctrinale des précurseurs du logement social. Pionnière et expérimentale à bien des égards, la Ruche forme un ensemble atypique, relativement complexe et unique en son genre.
Un programme "somme" concentrant les ambitions du logement social naissant
La Ruche mêle, en effet, logements collectifs et individuels. Initialement, Guyon a remporté ce concours en proposant un projet offrant près de 90 logements de trois types : individuels en bande en périphérie, collectifs en fond de parcelle et logements groupés par quatre au centre du terrain. La majeure partie des logements y bénéficient alors de jardinets, qui donnent de l’attrait à l’ensemble et le distingue de la "caserne ouvrière" réprouvée par les fondateurs de la SFHBM. Mais quand la Compagnie du gaz cède la parcelle, celle-ci est diminuée de plus de la moitié. Georges Guyon doit donc réduire et densifier son projet, les maisons centrales de type mulhousienne, en référence à la cité patronale pionnière, n’y survivent pas. Désormais, les collectifs sont répartis au cœur et en fond de parcelle, desservis par deux petites rues intérieures formant un fer à cheval et qui prennent le nom de Siegfried et Picot, pour rendre hommage à ces derniers. Moins nombreuses, les maisons individuelles en bande avec jardinet restent en périphérie et sont destinées aux familles. Les logements collectifs sont, eux, destinés aux couples et aux célibataires et se concentrent dans ces immeubles de 3 étages. À l’origine, les maisons en bande devaient être en accession sociale à la propriété mais ce principe fut rapidement abandonné au profit de la location, comme pour les collectifs.
L’ensemble est construit en béton de mâchefer de l’entreprise Coignet? - qui conçoit aussi bordures et caniveaux en "béton comprimé" -, sur un soubassement? de meulière. Le chantier se décompose en plusieurs tranches qui s’étalent entre 1892 et 1896 pour totaliser 66 logements. Les 24 premiers logements sont loués dès 1893, comme en rend compte Louis Labor pour La Construction moderne du 17.03.1894, suite à une visite mi-novembre 1893.
La Ruche, un projet profondément dionysien
On ignore encore le détail des liens tissés entre le patronat social dionysien et la SFHBM mais ils ne doivent rien au hasard. Avec les logements ouvriers Coignet conçus dans l’idéal fouriériste à la fin des années 1860, Saint-Denis s’inscrit à l’avant-garde sur cette question clef de la seconde moitié du XIXème siècle. La Compagnie du gaz prend le relais en 1889 quand elle s’installe à Saint-Denis et prévoit, en nombre, des logements pour ses ouvriers. Enfin, dès sa fondation, la SFHBM accueille en son sein deux industriels dionysiens : Edmond Coignet et Eugène-Albéric Naville. À Saint-Denis, ces derniers sont loin d’être isolés, comme en témoigne le nombre impressionnant d’industriels dionysiens au sein du conseil d’administration de la Société des habitations économiques de Saint-Denis, tel Biver pour Saint-Gobain, Lyon pour Pleyel & Wolff ou encore le mosaïste Guilbert-Martin. Par ailleurs, en son sein, se côtoient Jules Siegfried et Georges Picot, figures de la SFHBM, Stanislas Leven, conseiller général dionysien Républicain ou encore les frères Rothschild, qui s’inspireront de la Ruche pour créer leur fondation parisienne.
Pour Louis Labor et La Construction moderne, la Ruche est "une solution - au triple point de vue de la construction, de l’hygiène et du prix de revient - de ce gros problème de l’habitation à bon marché, dont M. Jules Simon [ancien président du Conseil des ministres] exprimait si éloquemment, le 4 mars dernier [1894], les principales données :
"Arracher le père au cabaret, sauver les enfants de l’étiolement et de la maladie, rendre à la femme, dans le cadre qui lui convient le mieux, son double rôle d’épouse et de mère, et donner au pays ce dont il a surtout besoin, des familles morales, fortes et vivaces"" Louis Labor, La Construction moderne, n°24, 17.03.1894, p. 281-282.
Réalisation fondatrice et exemplaire pour l’histoire de logement social en France, la Ruche est également une expérience très féconde à Saint-Denis. Ainsi, la société des habitations économiques de Saint-Denis édifient d’autres ensembles marquants et suscitent une réponse du mouvement ouvrier qui prend la forme de la coopérative de construction Le Coin du feu dès 1894.
Avec la Ruche, puis le Foyer, l’Amitié et l’Union, Guyon s’affirme comme un des premiers architectes spécialisés dans le logement social et construit d’autres HBM de référence dans tout le département de la Seine, dont celui de la rue Jeanne d’Arc à Paris, pour le Groupe des Maisons Ouvrières, future fondation Lebaudy.
Reconnaissance et protection
La Ruche est protégée par la Ville au titre du Plan? local d’urbanisme depuis 2015. Cette protection a permis une réhabilitation de qualité, restituant notamment la couleur bleutée du béton Coignet originelle, liée à la présence de mâchefer et de coke donné par des entreprises dionysiennes. Fin 2018, la Ruche a été labellisée site patrimonial d’intérêt régional par le Conseil régionaL
Date de construction
1892-1896
Organisme
Service du Patrimoine Culturel de la Seine-Saint-Denis
Date de découverte ou d'enquête
2003, 2011
Source
inventaire départemental
Précision dénomination
La Ruche
Qualification de datation
campagne(s) de construction
Maitre d'ouvrage
Société d'habitations économiques de Saint-Denis
Illustrations
Vue générale à vol d’oiseau du projet présenté par Georges Guyon au concours de 1890. Celui-ci (...)
N° 1029187 - jpg
- 800 × 1333 pixels
Détails
Crédits |
{ Recueil d’architecture}, 18ème année, 1890. |
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800 × 1333 pixels |
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1.1 Mpx |
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207.5 kio |
Date |
9 juillet 2020 |
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Plans des maisons de type mulhousien, réunissant 4 logements individuels sous le même toit, (...)
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- 800 × 599 pixels
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{Recueil d’architecture}, 18ème année, 1890. |
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72.3 kio |
Date |
9 juillet 2020 |
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Plans de la Ruche à Saint-Denis, publié dans la revue La Construction moderne en juin 1891.
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- 800 × 502 pixels
Détails
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{ La Construction moderne}, n°35, 6 juin 1891. |
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82.2 kio |
Date |
9 juillet 2020 |
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Plans des maisons individuelles publiés dans la revue La Construction moderne en juin 1891.
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{La Construction moderne}, n°35, 6 juin 1891. |
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9 juillet 2020 |
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Une des rares cartes postales éditées mettant en valeur la Ruche, vers 1910 (cote : 2Fi (...)
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Archives départementales de la Seine-Saint-Denis |
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9 juillet 2020 |
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Une des vues d’ensemble privilégier depuis les premières cartes postales de la Ruche, à l’orée (...)
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Photo Benoît Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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84.8 kio |
Date |
30 novembre 1999 |
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Vue de la partie centrale de l’ensemble, où cohabitent logements individuels et collectifs.
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Photo Benoît Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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30 novembre 1999 |
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La partie centrale de la Ruche réunissant logements individuels et collectifs.
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Photo Benoît Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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La partie est de l’ensemble réunissant les trois entités : maisons individuelles en bande, (...)
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Photo Benoît Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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Photo Benoît Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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30 novembre 1999 |
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Détail de deux maisons en bande dans l’est est, avant la réhabilitation.
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Photo Benoît Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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Les maisons individuelles en bande situées à l’ouest de l’ensemble, avant la réhabilitation.
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Photo Benoît Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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Détail d’une des maisons en bande, avant la réhabilitation.
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Photo Benoît Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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La cour arrière de l’immeuble de logements collectifs, en fond de parcelle, avant la réhabilitation.
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Photo Benoît Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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L’ensemble vu depuis la rue Paul Lafargue
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Photo Abel Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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L’ensemble de la Ruche après réhabilitation. La teinte bleutée liée au béton Coignet a été (...)
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Photo Abel Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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L’aile occidentale de la Ruche après réhabilitation.
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Photo Abel Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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L’ensemble réhabilité.
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Photo Abel Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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La partie centrale de la Ruche après réhabilitation.
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Photo Abel Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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L’aile orientale de la Ruche après réhabilitation.
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Photo Abel Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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L’ensemble réhabilité.
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Photo Abel Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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L’ensemble réhabilité.
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Photo Abel Pouvreau © Département de la Seine-Saint-Denis |
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