Episode 10 : Episode final

31 mars 2023 , par Théo Cointrel

Nous progressons dans la forêt obscure au milieu du sentier de notre vie, ou de notre mort, car nul ne sait ce que nous allons y découvrir. Cela fait 15 minutes que nous serpentons les couloirs de la Nature parfois l’un d’entre nous se prend les pieds dans une souche d’arbre, d’autres dans des amas de bois. Une seule certitude demeure : la forêt est menaçante et sombre. Les bruits des animaux que nous entendons, créent une atmosphère à la fois mystique et étrange. J’entends certains archéologues parler, d’autres se marrer, se racontant des histoires auxquelles ils ajoutèrent des anecdotes personnelles amusantes, certainement pour oublier le temps de quelques minutes la situation dans laquelle ils se trouvaient. Je suis quasi sûr, à cet instant, qu’aucun d’entre eux ne peut être responsable de ces indignités. Étonnamment, les ombres de la forêt semblent les soutenir alors que nous nous dirigeons vers le chemin de l’inconnu ou de la vérité. Plus nous progressons entre les Hêtres et les Chênes, plus une forte odeur de brûlé se fait sentir. Nous nous observons toutes et tous, comme si l’un d’entre nous avait en lui les clés de la réponse, mais personne ne comprend ce qui se trame?. Je perçois, entre les branches des arbres, un énorme feu, qui de ma perspective ressemble à un front d’incendie que l’on peut observer lors d’un feu de forêt. Les crépitements du bois qui meurt dans les flammes raisonnent et marquent un repère. Je pense très honnêtement que nous sommes arrivés sur les lieux. Près d’une vingtaine de collègues nous suivent et sont sur le qui vive, toujours inquiets comme des moineaux.

« - Messieurs, dames, je pense que notre randonnée en forêt est sur le point de s’arrêter. Un tel feu en plein mois de février ne peut être d’ordre météorologique ou climatique, il s’agit d’un feu intentionnel, voire criminel.

- Il s’agit peut-être d’une motobineuse qui a pris feu. Les fraises, qui lui permettent de remuer la terre, ont percuté un caillou ce qui a occasionné des étincelles puis un incendie. Il est assez fréquent de retrouver des tracteurs qui prennent feu quasi spontanément, nous rétorque Patrick.

- Je vois, mais il est bientôt minuit et nous sommes en pleine forêt… Je vais vous demander à toutes et tous de vous cacher derrière ces buissons. Le temps que nous examinions la zone et que l’on envisage, sans faire appel aux groupes d’intervention de la gendarmerie nationale, les différentes possibilités d’arrestation. Il se peut que ces gens soient armés. Nous devons prendre le plus de précautions possible.

Mon téléphone vibre. Je reçois un SMS d’Ustenza dans lequel il est noté qu’il est sur le point d’arriver avec les derniers retardataires. Je peux, dorénavant, confirmer à toutes et tous le nom du responsable de cette affaire que mes deux collègues de la PJ et moi-même, apercevons sur la gauche du muret qui entoure ce qui devait être l’enclos gallo-romain. A droite, nous distinguons un groupe de personnes se rassemblant autour d’un feu qui crépite dans un endroit clair de la forêt. A ces crépitements s’ajoutent des bruits de tambour. J’entends une personne expliquer les raisons de la procession funéraire : ’ Nous sommes réunis ici pour honorer la mémoire de nos ancêtres morts assassinés’. Je vois une femme sortir d’un trou une urne en très mauvais état. Puis elle brandit une épée vers le ciel. Je suis suffisamment près d’elle pour constater qu’il s’agit d’une épée dépourvue de fusée. Un homme vient la seconder et lui tend l’urne sur laquelle elle applique un coup de soie sur le fond de l’objet. Les cendres se dispersent sur les flammes tel le sable s’écoulant inexorablement au fond du sablier. Malgré le fait que j’ignore la signification de ces rites, il fallait à tout prix que j’arrête la personne qui amorce par ses malfaisances, ce genre de situation troublant l’ordre public.
Je fais signe à mes collègues d’agir et de stopper l’événement occulte auquel nous assistons.
Une fois l’interpellation enclenchée, je me dirige vers l’individu que je saisis en flagrant délit.

- Vous êtes en état d’arrestation pour avoir fomenté des vols de mobiliers? sur différents lieux et sites archéologiques à des fins de ventes et reventes illégales sur le marché noir. Ne gaspillez pas votre énergie en tentant de vous débattre, vous en aurez besoin pour vous défendre.

- C’est illégal ce que vous faites, vous n’avez pas le droit de m’arrêter sans preuve, lâchez-moi, lâchez-moi ! , hurle-t-elle, déchirée entre la peur de finir ses jours en prison et le désir de fuir la police.

- Pourquoi avez vous fait cela ? Vous êtes indignes.. Moi qui pensais que vous étiez des collègues sincères ! s’énerve Debborah.

- J’ai en ma possession un formulaire juridique autrement appelé mandat d’arrêt que le juge a signé. J’agis alors en toute légalité, rassurez-vous Aurélia..

Finalement, je décide de la maîtriser et de l’emmener dans un endroit sûr à l’arrière du complexe religieux, du moins de ce qu’il en reste. Je réussis finalement à la persuader de coopérer. Elle avoue enfin. J’appelle le capitaine Lefebvre afin qu’il m’amène le reste de l’équipe d’archéologues. Je les invite à se mettre en cercle autour des vestiges d’occupation mis au jour, mais laissé à l’abandon.

- Nous allons pouvoir procéder au dénouement de l’enquête. En tant qu’agent de la PJ , j’ai passé mes dernières semaines à rechercher le ou les responsables de ces délits organisés. J’ai interrogé chacun d’entre vous, et j’ai rassemblé suffisamment de preuve pour inculper Aurélia du vol et de la vente du lot d’objets commis à Epinay.

Je m’approche du cercle et examine chaque visage et expression. Le temps est venu de dénouer ces mois d’enquête.

- Lorsque j’ai appris que Jean et Mirka ont été aperçus, calepin de Pascal à la main, j’étais prêt à parier que ces trois individus s’étaient grillés et que je n’aurais pas à chercher bien loin. Or, je m’étais trompé. Dans ce calepin figurait un chien, deux bulles qui d’après mes recherches faisaient référence à un échange ou colloque, et un mot écrit en runes. En traduisant ce mot, j’ai obtenu ’mésomorphe’. Je n’ai pas immédiatement saisi le sens du mot, toutefois il existe un rapport concret entre le mésomorphe et la race de chiens mésocéphale. J’en ai conclu que ces dessins faisaient allusion au cours d’archéozoologie qu’a réalisé Jean. Mais tout est bien plus complexe que cela..

Lors de mon entretien avec Andreina, j’ai appris énormément de choses sur la céramologie qui est un domaine que j’ignorais totalement. Ce qui m’a le plus intéressé est le terme de ’dépôt votif’ qui est revenu à plusieurs reprises lors de notre échange. Sur le morceau de feuille que Pascal avait préalablement fait tomber sur le chemin des chambres de conservation, apparaît un texte dans lequel est mentionné le terme de ’trésors des temples’. Il existe un amalgame que nous autres profanes faisons régulièrement : celui de penser qu’un trésor est nécessairement lié au patrimoine or le trésor peut être un dépôt votif ou viatiques et dans ces dépôts, il est possible de trouver des objets d’ordre commun qui parfois sont détournés de leur fonction d’origine. J’ai alors pensé à Aurélia qui est une spécialiste de la question et qui d’après Debborah est également amatrice des races canines domestiquées durant la Protohistoire.

- Et moi je suis amateur de bière si vous voulez savoir, s’esclaffe Romaric, tentant désespérément de détendre l’atmosphère.

En outre, parmi le lot d’objets figurait une épée sans fusée, probablement la même qui est sur cette moitié du document. C’est Pascal qui m’a laissé penser qu’il était l’unique commanditaire de ce méfait. Lorsque Sylvain m’a tendu la fiche d’identité stratigraphique, j’ai compris que ça n’était pas Pascal dont il s’agissait.. Le temple de Dirthamen est connu des joueurs et joueuses de Dragon Age, un célèbre jeu vidéo de fantasy dans lequel vous réalisez des quêtes. J’ai entendu Mirka parler de cela l’autre jour. De plus, Zena, signifie ’ femme’ en slovaque’. J’étais d’autant plus sûr de moi quand l’autre soir avec Patrick, nous avons découvert une feuille sur laquelle était écrite en cette langue : ’c’est une femme qui en aide une autre’. Il fallait que je trouve quelle était l’identité de cette femme que Mirka aidait.

S’ensuivait quelques minutes plus tard la rencontre avec Pascal. Il m’avait avoué qu’il était à l’origine de tout ces indices et qu’il menait l’enquête de son côté. Il tentait de m’orienter vers la piste du malfaiteur. Pascal m’a confessé qu’il avait plusieurs fois aperçu Mirka entretenir de longues conversations avec Aurélia à l’abri des regards. Tout ces indices associés m’ont amené à présumer que Mirka aidait Aurélia à se procurer le mobilier de valeur sans se faire démasquer.
Je n’ai plus osé reculer lorsque je vous ai vu devant le salon funéraire. Cette veste que vous portiez, Aurélia, je l’ai immédiatement reconnue..
Mirka, je suis navré mais nous allons devoir vous interpeller pour complicité. Pour vous autres, une cellule d’aide psychologique a été mise en place.

Deux mois plus tard, un homme se présente à l’accueil du commissariat de police des Saussaies et demande après moi. Il s’agit de l’archéologue, Théo, acquitté dans l’affaire de recel survenu à Epinay. Je lui offre un café. Lors de notre conversation, il tente d’en apprendre davantage sur moi :

- Dites moi M.Cartier. Lors de cette fameuse soirée dans la forêt, j’ai entraperçu sur votre bras le tatouage d’une épée. Que représente-t-il ?

Je me lève, me dirige vers la porte et décide de la fermer à clé.

- Croyez-moi Théo ,lui dis-je, c’est une bien longue histoire. »

Fin.

NB : Cette œuvre est une œuvre de fiction.