Il y a eu du sport... antique !
18 janvier 2021 , par
Lutte, pancrace et pugilat dans l’Antiquité gréco-romaine
[en cours de rédaction]
Dans l’Antiquité, de nombreux sports étaient pratiqués (dont beaucoup le sont encore aujourd’hui, avec des variantes bien entendu). Comme aujourd’hui, c’était un entrainement rigoureux, des compétitions, des prouesses physiques et du grand spectacle. Comme aujourd’hui, c’était de la sueur, du sang, des larmes, des stars et de l’argent ! La compétition antique la plus connue est celle des Jeux olympiques, créés, dit-on, en 776 avant notre ère et qui sont interdits en 393 de notre ère, mais ce n’était pas la seule.
Du muscle sur l’archéosite !
En attendant l’édition des XXXIIIᵉ olympiades de l’ère moderne en 2024, en cette saison 2020, nous avons choisi de vous présenter avec les athlètes de la compagnie Acta quelques sports de combat antiques : le pugilat (boxe antique), la lutte orthepale (lutte debout) et le pancrace (tout est permis, sauf mordre son adversaire et lui mettre les doigts dans les yeux) - des sports bien documentés par les textes anciens et l’iconographie, car ces disciplines sont représentées sur des vases, des fresques, des sculptures.... De plus, les recherches menées en archéomachiologie par des équipes d’archéologie expérimentale telle Acta, constituées de sportifs de haut niveaux et de chercheurs, permettent de connaître et de reconstituer la complexité des techniques de ces disciplines. Qu’est-ce que la lutte orthepale ? le pancrace ? le pugilat ? Découvrez-les en quelques minutes dans la vidéo filmée ce jour-là pour le Le Blob, le magazine vidéo de la Cité des sciences et de l’industrie et du Palais de la découverte.
Pancrace / MMA, même combat ?
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Combat de pancrace (?) en 500 av. n. è.Coupe en céramique? ? (skyphos), vers 500 avant notre ère, représentant deux athlètes combattants sous les yeux d’un entraîneur et d’un arbitre. La coupe mesure 16 cm de haut sur 22 cm de diamètre et est conservée au Metropolitan Museum of Art de New York.Domaine public (CC0)
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Combat de pancrace, vers 500 av. n. è.Amphore en céramique? ?, vers 500 avant notre ère, représentant deux athlètes combattants sous les yeux d’un arbitre. Le vase, découvert à Athènes, empli d’huile d’olive, est décerné lors des jeux panathénaïques célébrés tous les 4 ans à Athènes. Il mesure 63 cm de haut et est conservé au Metropolitan Museum of Art de New York.Domaine public (CC0)
Le pancrace, selon nos connaissances, est codifié en Grèce et devient discipline olympique en - 648. C’est un mix de boxe et de lutte, l’athlète devant alterner frappes - comme en boxe - et saisies - comme en lutte. Le combat commence debout, et se poursuit au sol. Les athlètes combattent pieds et poings nus.
On remarquera avec intérêt que le MMA - Mixed Martial Arts, puissant cocktail de sports de combats et d’arts martiaux - se réclame justement du pancrace parce que c’est une discipline hybride où presque tous les coups peuvent être portés : coups de pied, poing, genou et coude, frappes au sol, étranglements, clés - même si, en réalité, il s’agit d’un sport très différents dans leurs techniques et équipements. Notons pour l’anecdote que le MMA a été légalisé en France tout récemment, en février 2020, et la première compétition française s’est tenue au mois d’octobre dernier. Ajoutons que Cristiano Ronaldo est amateur de ce sport ; précisons encore qu’un petit frenchie, Morgan Charrière, est depuis décembre champion poids-plume du Cage Warriors, une compétition européenne... qu’une jeune française, Manon Fiorot, championne du monde amateur de MMA en 2017, est également un des espoirs du MMA féminin... tandis que le plus grand champion actuel de cette discipline est sans doute le brésilien Anderson Silva (tout de même sept ans d’invicibilité !) Des légendes comme lui, il y en avait bien entendu dans l’Antiquité : tel Polydamas, énormissime champion de pancrace, si fort qu’il était comparé à Hercule ! Qui était Polydamas ? Ecoutez Xavier Mauduit vous en dire plus sur France Inter (attention, le podcast a été enregistré en 2017, alors que la pratique du MMA était encore interdite en France).
Et la lutte ?
La lutte est, avec la course, la discipline sportive la plus appréciée dans la Grèce ancienne, au programme? des JO depuis l’année 708 avant notre ère. Il s’agit de la lutte orthepale : les lutteurs s’affrontent debout, le vainqueur est celui qui parvient à faire tomber l’adversaire au sol par trois fois ; l’expulsion de l’aire de combat est également considéré comme une chute ; les prises sont autorisées sur tout le corps, y compris en-dessous de la ceinture. Ironie de l’histoire : la lutte dite gréco-romaine a été codifiée au 19e siècle et n’a en réalité rien à voir avec la lutte antique !
Savez-vous que le plus grand champion de tous les temps est un lutteur ? Héros des stades et multiple médaillé olympique, Milon de Crotone est l’athlète qui a accumulé le plus extraordinaire palmarès sportif de l’histoire. Marié à la fille de Pythagore (le célèbre philosophe mathématicien, qui fut également lutteur, et surtout chef d’un parti politique) Milon était aussi un homme engagé en politique. Il a marqué son temps par ses exceptionnels exploits sportifs et a contribué à créer le starsystem sportif. Pour en savoir plus sur Milon, écoutez l’historien Jean-Manuel Roubineau dans un passionnant podcast diffusé sur France Culture.
En garde !
Le pugilat - la boxe antique - devient sport olympique en - 688 : c’est à ce moment que les règles en auraient été fixées, mais il ne nous en reste aucune trace. Popularisé en Grèce, cette discipline connaît un grand succès dans l’Empire romain, certains empereurs étant très amateurs de sports dits "à la grecque" (comme l’était d’ailleurs le baron Pierre de Coubertin qui re-créa les jeux olympiques en 1894 !)
On combat avec des petits gants, nommés himantes en grec ou cestes en latin. Constitués généralement de longues lanières de cuir enroulées autour des mains et des avant-bras, ils protègent les articulations et maintiennent le poignet, tout en renforçant la puissance des coups portés ; ils permettent un grande variétés de coups car le boxeur peut ouvrir ou refermer la main, frapper du bout des doigts, du plat de la paume etc. Ces gants évoluent dans le temps : dès - 400, nous disposons de représentations d’himantes capitonnés d’anneaux de cuir, protégeant mieux les os de la paume. A l’époque romaine, les athlètes portent des gants matelassés de laine et les lanières protègent le bras jusqu’à l’aisselle... La position de combat est également différente d’aujourd’hui : les pugilistes ne tiennent pas leurs bras ramassés devant le menton, mais allongés vers l’adversaire.
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Boxeurs, vers 2000 avant notre èreReprésentation de deux boxeurs et de deux musiciens, l’un jouant d’un tambour, l’autre de sorte de castagnettes, sur une plaque en terre cuite mésopotamienne, trouvée à Larsadans le sud de l’Irak : il s’agit de l’une des plus ancienne figuration de cette discipline, dont on ignore les règles pour l’époque ! La plaque mesure 7 cm de haut sur 11,5 cm de long, et est conservée au Birtish Museum à Londres (n°91906).© The Trustees of the British Museum
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Pugilistes et lutteurs, vers 550 avant notre èreAmphore grecque découverte à Agrigente, en Sicile, datant des années 550 avant notre ère. Sur le col du vase, deux lutteurs s’empoignent sous l’oeil de deux arbitres. Sur la panse, des pugilistes s’affrontent : l’un saigne abondamment du nez, l’autre est blessé à l’arrière de la tête. L’objet, en céramique? ?, haut de 21.5 cm, est conservé au British Museum à Londres.© The Trustees of the British Museum
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Combattants lors de jeux du cirque, en 244Cette médaille en cuivre a été éditée en 244 sous l’empereur Gordien III, représenté sur l’avers. Au revers se tiennent des jeux, dans le Cirque Maxime, à Rome. Au premier plan? ?, les combattants ; à droite, un couple de gladiateurs, puis deux lutteurs, deux pancratistes, deux pugilistes gantés de cestes, tandis qu’à gauche, un assistant évacue un gladiateur blessé ; au second plan se déroule une course de chars ; à l’arrière-plan, l’empereur s’avance sur son char triomphal... La pièce, trouvée à Rome, est conservée au British Museum.© The Trustees of the British Museum
Bref, ce fut une journée intense, tout en muscles et en fatigue !
Si vous voulez en savoir plus
Références en ligne
Jean-Paul Thuillier, "À quoi ressemblaient les JO des Grecs ?", The Conversation, 2016
Giuseppe Di Stazio, "Pygmè et pankration. Sur le port du gant dans l’Antiquité gréco-romaine", Journal of Ancient History, 3, 2012
Ouvrages de référence
Brice Lopez, Les jeux olympiques antiques : pugilat, orthepale, pancrace, Editions Budo, 2010
Jean-Manuel Roubineau, Milon de Crotone ou l’invention du sport, Presses Universitaires de France, 2016