La Poudrerie, un patrimoine qui cartonne !
20 octobre 2020 , par
Projet participatif de construction monumentale en cartons d’Olivier Grossetête
Une démarche artistique pour accompagner les transformations du parc de la poudrerie
Depuis 2017, des travaux d’aménagements et divers projets de réhabilitation du bâti ont été engagés par le Département et ses partenaires sur le parc de la poudrerie. Afin d’associer au mieux les habitants dans ce processus de transformation, ou les impliquer de manière détournée, il a été demandé à l’artiste-plasticien de mettre en œuvre sur le site un projet participatif de construction monumentale en cartons dont il s’est fait une spécialité. La démarche artistique ne devait toutefois pas aboutir à une création isolée et décontextualisée mais au contraire traduire les propositions faites par le public d’une construction éphémère à bâtir autour de l’ancienne Cartoucherie. Intervenir précisément à cet endroit, en composant avec le vestige de ce bâtiment, offrait la possibilité d’engager une véritable démarche patrimoniale menant les publics à découvrir la valeur du patrimoine poudrier et à porter une réflexion sur sa transformation. En endossant fictivement le rôle d’un architecte du patrimoine devant définir son « parti architectural? » - reconstruire à l’identique ou proposer une approche contemporaine - le public se trouvait en situation d’acteur du patrimoine et non plus simplement de spectateur. Pour le guider dans la construction d’un regard patrimonial et l’accompagner dans la formulation de propositions à soumettre à Olivier Grossetête, des ateliers d’idéation ont été conduits durant plusieurs semaines au début du projet. Une fois la forme de la construction arrêtée, le projet est entré dans sa phase opérationnelle : préparation des modules en cartons durant une semaine, puis, le temps d’un week-end, élévation de l’œuvre suivi de sa déconstruction.
Olivier Grossetête, artiste utopiste
Formé à l’école de Beaux-Arts de Valence, Olivier Grossetête débute sa carrière artistique à la fin des années 1990. Ses créations sont teintées de poésie et d’utopie, utilisant le jeu avec une fausse naïveté pour nous interroger autant sur les lois physiques que sociales qui régissent le monde. Du collage à la sculpture, il arrive progressivement aux constructions monumentales participatives en cartons, des architectures éphémères dans lesquelles l’habitant se trouve au cœur de la démarche. Une manière pour lui d’explorer la possible appropriation de l’espace public par le truchement d’une expérience artistique collective. Depuis sa One Tower élevée dans la ZUP de Pissevin à Nîmes en 2003, première opération d’envergure, à la Cartoucherie du parc de la Poudrerie en 2020, Oliver Grossetête aura conduit plus d’une centaine de réalisations à travers le monde.
Pour en savoir plus : olivier-grossetete.com
On imagine ensemble ! Les ateliers d’idéation, premiers temps du projet
Débutés au mois de mars, puis mis en suspens durant le confinement, les ateliers d’idéation ont repris au mois de juin pour se terminer au début du mois d’août. Au final, ce sont près de 250 personnes, publics scolaires, des centres de loisirs, habitants, amoureux du parc et du patrimoine ou simples curieux, qui ont participé à ces séances. Guidé par des agents du Département, chercheur en patrimoine, médiateur et gestionnaire du parc, chaque atelier s’articulait entre un temps de parcours de découverte du site et de son devenir, puis un second dédié aux échanges et réflexions sur la forme que pourrait prendre la construction à élever autour de la Cartoucherie. S’appuyant sur la documentation historique fournie lors de la visite, des exemples d’interventions sur du bâti patrimonial, ainsi que des projets réalisés par Olivier Grossetête, les participants répartis en petits groupes ont été invités à dessiner leur projet. La volonté initiale d’orienter le public vers une reconstruction à l’identique du bâtiment, une réalisation contemporaine, ou un entre-deux, a été toutefois rapidement abandonnée au profit d’approches plus personnelles et créatives - un choix d’autant plus nécessaire lorsque l’on s’adresse au jeune public. La quinzaine d’ateliers ainsi organisée a donné lieu à près d’une soixantaine de propositions, d’une grande variété, depuis la transformation de la Cartoucherie en OVNI jusqu’à des projets de reconstruction très proche de son état initial. Un trait commun est toutefois ressorti de ce corpus disparate : restituer la composition symétrique du bâtiment d’origine. Une caractéristique de l’architecture poudrière, largement perceptible sur les bâtiments conservés du site, et dont Olivier Grossetête s’est inspiré pour créer son œuvre monumentale en cartons. À l’occasion d’un ultime atelier animé à distance, où les propositions faites par les habitants ont été débattues, l’artiste a présenté son projet, une habile synthèse de ce qu’il lui avait été transmis. Restait dès lors à préparer le montage de ce monument.
On prépare ensemble ! Une semaine de montage de modules en cartons
L’œuvre monumentale en cartons est conçue comme un gigantesque jeu de Lego où sont assemblées différentes briques et pièces de forme. A la différence près qu’ici il est préalablement nécessaire de fabriquer les briques, puis de les mettre en volume en vue de créer les formes utiles pour l’édification. Sous la conduite de deux membres de l’équipe d’Olivier Grossetête et l’appui des animateurs du projet, dix ateliers se sont ainsi succédés durant cinq jours regroupant près de 300 personnes : enfants de centre de loisirs, scolaires, séniors, groupes ou individuels ayant participés ou non à l’étape précédente. Équipés de scotch, de règles et de couteaux, suivant les plans et les consignes de l’équipe, ces « cartonneurs » ont monté des boites, les ont découpés, pliés, façonnés et assemblés pour finalement obtenir des arches, piliers, fenêtres, corniches et autres éléments de décors. Le tout a été par la suite stocké à l’abri en attendant son transfert sur la zone de construction le jour J.
On construit ensemble ! Un week-end pour tout assembler et… tout déconstruire
Sous la houlette d’Olivier Grossetête et son équipe de bâtisseuses, les pièces stockées sous le Forum sont transportées à proximité de la Cartoucherie, lieu de l’élévation de la construction. Les consignes sont données au public pour réaliser les derniers gros assemblages, celles des tours latérales et de l’arche centrale. Puis l’édifice est élevé progressivement dans le sens inverse d’une construction traditionnelle, en partant du toit pour terminer par le bas. Pas de nacelles, ni d’engins de manutentions pour monter l’édifice niveau par niveau, mais l’énergie collective. Participant une quinzaine de minutes, une heure ou la journée, au détour d’une promenade familiale dans le parc ou à la suite de son jogging, près de 450 personnes ont prêté mains fortes. Les fidèles des premières heures apportant leur expérience aux novices sur le découpage du scotch ou la fabrication d’une brique de carton. Après neuf heures d’assemblage, un dernier effort est réclamé pour soulever la tonne et demi de la nouvelle Cartoucherie en cartons. Posée, tel un gigantesque écrin autour de l’ancien bâtiment, la construction n’est pas monumentale… elle est majestueuse ! Traduction faite par l’artiste des propositions du public, elle est fidèle à l’esprit des échanges qui ont émaillé les ateliers estivaux : réaliser un édifice réinterprétant l’architecture d’origine tout en s’autorisant des touches d’originalité. Les deux tours rappellent ainsi la composition symétrique initiale et la grande arche évoque les toitures en voûte des ateliers. Le détail a été poussé jusqu’à restituer les harpages?, décors formés d’une alternance de creux et de bosses.
Le destin d’une œuvre éphémère, aussi monumentale qu’elle soit, est de disparaître. Une ultime étape du projet de l’artiste visant à valoriser la démarche collective plutôt que son aboutissement. Si cette dernière phase faisait encore appel à la mobilisation des habitants, les conditions météorologiques en ont décidé autrement. Au milieu de la nuit, la construction exposée aux averses de pluies et au vent a été largement fragilisée avant de littéralement s’effondrer sur elle-même au petit matin. Les plus courageux se sont néanmoins déplacés pour clore l’aventure et dans un dernier élan collectif transporter les cartons dégorgeant d’eau jusqu’aux bennes de recyclage.