La maison néolithique de l'archéosite de la Haute-Île

La maison néolithique de l’archéosite de la Haute-Île

14 juin 2020 , par Caroline Hoerni

Reconstitution d’une maison néolithique de la période Blicquy-Villeneuve-Saint-Germain

Afin d’aménager la vaste clairière de l’archéosite de la Haute-Île pour mieux y accueillir les visiteurs, le Département a reconstitué, à l’échelle?, une maison néolithique : l’une de ces longues maisons de plusieurs dizaines de mètres, de terre et de bois, typique des premiers villages d’agriculteurs implantés dans le bassin parisien. Le projet a été ancré dans une réalité territoriale authentique : cette reconstitution s’appuie sur le plan? archéologique d’une maison vieille d’environ 7000 ans, découverte à Vignely, à trente kilomètres en amont sur la Marne.
La maison danubienne est lauréate du Prix Régional de la Construction Bois d’Île-de France 2020, pour la catégorie "Aménagement extérieur"

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L’évocation d’une maison découverte en bords de Marne

La maison danubienne de l’archéosite de la Haute-Île évoque une longue maison caractéristique du Néolithique ancien. Des traces d’une occupation néolithique ont en effet été repérées sur le parc départemental de la Haute-Île, mais à ce jour elle est attestée seulement par des mobiliers? (céramique?, silex, bracelets) : il était donc nécessaire de s’appuyer sur des vestiges archéologiques reflétant le même ensemble chronologique et culturel, celui du Blicquy-Villeneuve-Saint-Germain. Il a donc été décidé de travailler à partir du plan? archéologique d’une maison mis au jour à Vignely (77), au lieu-dit "La Porte aux bergers", un site archéologique des bords de Marne situé à environ 30 km de la Haute-Île. Un vaste habitat néolithique y a été découvert lors d’une fouille préventive?, durant l’hiver 1993-1994 : une dizaine de maisons y ont été repérées, dont quatre avec des plans plus ou moins complets. La maison 10, celle qui a servi la reconstitution, est datée d’environ 4900-4800 avant notre ère.

La maison danubienne

A cette époque, ce type de maison se retrouve dans toute l’Europe centrale et occidentale. On le désigne sous le nom de « maison danubienne » en référence à la culture qui s’est développée en Transdanubie (le sud-ouest de la Hongrie) vers – 5500, et qui s’est diffusée le long du Danube, puis des autres des rivières et fleuves jusqu’à nos territoires et plus loin encore, jusqu’en Bretagne. Toutes les maisons danubiennes sont construites sur un modèle similaire : très longues - de 20 à 45 mètres pour les plus grandes -, de plan rectangulaire, structurées par des poteaux de bois plantés dans le sol qui servent à soutenir la charpente. A l’extérieur, de part et d’autre de la maison, des fosses sont creusées. Elles permettaient sans doute de prélever la terre destinées à fabriquer le torchis des murs - plus tard, elles serviront de dépotoir aux habitants. Sur les sites de cette période, ces fosses renferment toujours un mobilier abondant, riche d’informations pour les archéologues (restes de repas, céramique brisée, outils...)
C’est une grande maison de plan rectangulaire légèrement trapézoïdal, longue de 25,50 mètres et large 5 mètres au niveau du pignon? ouest, à 7,50 à l’entrée, au niveau du pignon est. Sa structure? est faite de poteaux, de poutres, et de clayonnages de bois ; les murs sont en torchis ; elle est couverte d’un toit de chaume. Le long des parois extérieures, les fosses latérales ont également été aménagées.

Les questions scientifiques et techniques

La reconstitution est en réalité une évocation, en ceci qu’elle n’est pas une reconstitution de maison bâtie selon des techniques néolithiques, mais un équipement destiné à accueillir le public en toute sécurité. Un exemple : les poteaux ne sont pas plantés directement dans le sol, mais solidement maintenus par d’énormes vis métalliques fixées dans des plots en béton. Le bâtiment a ainsi été sécurisé par des techniques modernes, tandis que l’aspect de la maison danubienne revêt l’apparence d’une construction néolithique jusque dans le détail des assemblages.

  • Murs en torchis et toit en chaume
    Photo @ Caroline Hoerni / BPA / Conseil départemental de Seine-Saint-Denis
  • La structure? en bois, en écorché
    Photo @ Caroline Hoerni / BPA / Conseil départemental de Seine-Saint-Denis

Il s’agit d’une reconstitution partielle : elle montre le volume général de la construction et un écorché de l’architecture. Elle a été conçue et réalisée sur la base d’une réflexion croisée entre archéologues et architectes. En effet, le cabinet d’architectes spécialisé dans les questions patrimoniales, à qui a été confié la réalisation du projet, s’est appuyé sur un conseil scientifique réunissant des archéologues du Département, de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), du CNRS et de l’Université Paris 1, constitué pour l’occasion. Toutes les propositions architecturales et les solutions techniques ont été discutées et validées au sein de ce conseil scientifique : ainsi, elles reflètent parfaitement l’état actuel de la recherche. Cependant, cette construction reste une hypothèse de reconstitution parmi d’autres, qu’archéologues et architectes considèrent comme très vraisemblable.
Les défis de cette réalisation se sont révélés à la fois scientifiques et techniques. Tout d’abord, la situation de l’archéosite en zone inondable a entraîné une modification du projet initial : d’une logique immersive - c’est-à-dire d’une maison néolithique complète, fermée, où le visiteur aurait l’impresssion d’être "dans une vraie" - on est passé à un écorché. Cette difficulté de départ a ainsi la conception et la réalisation d’un bâtiment plus pédagogique, révélant les techniques constructives néolithiques. Toutefois, ces modifications ont entraîné d’autres défis techniques. Par exemple, comment écorcer les poteaux et les poutres avec des outils modernes sans laisser des traces qui ne pourraient pas être visibles au Néolithique, dans la mesure où l’écorçage et l’équarrissage des bois étaient faits avec des outils manuels en silex ? Cette question a suscité de nombreuses expérimentations avant de trouver un outil adapté : un long manche avec une lame en métal pour l’écorçage des poteaux ; pour les poutres, il a été nécessaire de reprendre l’équarissage manuellement car il restait des traces de tronçonneuse.

Hypothèses de reconstitution d’une maison néolithique dans les années 1930
Premières hypothèses de reconstitution d’une maison néolithique, en 1936, au moment des premières découvertes de ces longues maisons dans les années 1930. Ici, les propositions s’appuie sur le plan? ? archéologique d’une habitation découverte à Cologne en Allemagne. Ces hypothèses ne sont plus d’actualité, car d’autres découvertes sont venues enrichir les connaissances sur la structure? ? de ces maisons.
Dessin issu de BUTLER W., HABEREY M., Die bandkeramische Ansiedlung in Köln-Lindenthal, Berlin- Leipzig, Gruyter & Co., 1936, planche 34

Contraintes et évènements inattendus

Outre ces impératifs techniques, nécessaire à la sécurisation du bâtiment et à l’intégrité scientifique de la reconstitution, d’autres contraintes sont venues s’ajouter. L’archéosite était encore ouvert au public lors du début du chantier : il a donc fallu clôturer la clairière pour des raisons de sécurité ; les premiers labours et semis de l’expérimentation agricole ont également eu lieu à ce moment, ce qui imposait aux archéologues expérientateurs et aux ouvriers du chantier de faire preuve de prudence dans leurs déplacements et le maniement des engins. Enfin, l’aire de jeux se trouvant à proximité immédiate, la circulation des engins de chantier a été interdite le mercredi après-midi et limitée durant les autres après-midi.
Enfin, le chantier n’a pas été épargné par les intempéries de l’hiver 2017-2018. Dès la fin janvier 2018, les forte pluies et la crue de la Marne ont entraîné la fermeture du parc et l’arrêt du chantier durant un mois et demi. Les travaux ont repris seulement au début du mois de mars suivant – ce qui a retardé d’autant la fin du chantier : la construction de la maison danubienne a été achevée à la fin du mois de mai 2018 et inaugurée au mois de septembre suivant, comme le relate un article du Parisien

La pose du toit de chaume
Le projet d’insertion est à retrouver sur le site de Construire solidaire
Photo @ Apijbat pour Construire solidaire

Informations pratiques

L’archéosite vous accueille tous les dimanches de 13h30 à 18h. Vous pouveztélécharger la brochure de programmation 2023

Comment venir ?

Archéosite de la Haute-Île, dans le parc départemental de la Haute-Île
220 Av. Jean Jaurès - 93330 Neuilly-sur-Marne

En vélo : piste cyclable des bords de Marne
En transports en commun : prendre à la gare de Chelles ou de Neuilly-Plaisance la ligne 113, arrêt Pointe de Gournay.
En voiture : RN 34 ! Le parking du parc de la Haute-Île est fermé aux usagers le week-end durant l’été ! Stationnement dans le parking du Super U en face, ou du Point P à côté.

Si vous souhaitez aller plus loin

Se documenter en famille ou en classe
De nombreuses ressources sont notamment disponibles sur le site de l’Inrap.

Devenir expert·e en maisons néolithiques... ou préparer les cours

  • Pour découvrir différents habitats néolithiques connus en France, une synthèse illustrée sur le site de l’Inrap, "Villages et maisons"
  • Un beau site archéologique breton daté de la même période à découvrir à Lannion
  • Un article plus technique sur l’excellent blog de l’UMR 5133-Archéorient (CNRS/Lyon 2), "La maison néolithique et sa charpente"

CE PROJET A ETE COFINANCE PAR LE FONDS SOCIAL EUROPEEN (FSE) DANS LE CADRE DE L’INITIATIVE POUR L’EMPLOI DES JEUNES (IEJ)