Laboratoire de chimie de la société Francolor, puis de la Compagnie française des matières colorantes, puis Kuhlmann, actuellement siège d'association

Laboratoire de chimie de la société Francolor, puis de la Compagnie française des matières colorantes, puis Kuhlmann, actuellement siège d’association

Francolor; Compagnie française des matières colorantes; Ugine-Kuhlmann

par Antoine Furio

Dernière construction de la Compagnie Française des Matières Colorantes avant sa fermeture en 1975, ce laboratoire central recherche s’avère être le seul bâtiment de l’établissement à avoir été conservé. Edifié en 1950, initialement pour la société Francolor, son architecture exprime tout l’élan de modernité que traverse l’industrie chimique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Puisant son origine de la constitution de la tentaculaire SA des matières colorantes et produits chimiques de Saint-Denis, sa présence témoigne de la renommée historique de la commune dans ce secteur d’activité.

L’histoire débute en 1853 lorsque Charles Mottet, dirigeant d’une importante fabrique parisienne de colorants naturels, transfert son usine à Saint-Denis, en bord de Seine dans un secteur industriel en plein essor. Son successeur Alcide Poirrier (1832-1917), en association avec Chappat fils, donne une nouvelle impulsion à l’établissement en l’orientant vers la fabrication de matières colorantes artificielles par dérivation du goudron de houille. Le rachat de brevets de ses concurrents lui permet de compléter encore sa palette chromatique, violet de Paris, rouge de Saint-Denis, brun rocceline, noir Vidal ou jaune chrysoïne, qui participe à fonder sa renommée (médaille d’Or Exposition Universelle de 1867, Présidence de la chambre syndicale des produits chimiques).
Pour renforcer sa suprématie, la maison Poirrier rachète en 1881 l’usine de matières colorantes Dalsace alors sa voisine. Une troisième usine est construite à proximité en 1884 qui marque une diversification vers la fabrication en gros de produits chimiques. En 1914 la nouvelle entité, la Société des Matières Colorantes et Produits Chimiques de Saint-Denis, emploie 300 personnes sur un site de 3 hectares. Souhaitant rivaliser avec son principal concurrent, Kulhmann, et s’affranchir de la dépendance étrangère, principalement allemande, de nombreux travaux de modernisation sont entrepris au lendemain de la Grande Guerre. Le site est considérablement étendu pour atteindre 13 ha de terrains entièrement raccordés au chemin de fer du Nord et pourvus de nouveaux ateliers et laboratoires. Les 1 300 ouvriers et ingénieurs qui composent l’établissement, fournissent annuellement 10 000 tonnes de matières chimiques dont 30 % alimentent le marché français des matières colorantes.
La dynamique engagée est stoppée en 1941. Le Régime de Vichy regroupe dans la nouvelle société Francolor toutes les firmes chimiques françaises et en laisse le contrôle au leader allemand IG Farben. Mis sous séquestre au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, puis rendu à son principal propriétaire, la société Kuhlmann, le groupe industriel est rebaptisé Compagnie Française des Matières Colorantes en 1951.
C’est durant cette période trouble, de restructuration, que se décide la construction du laboratoire central à Saint-Denis. Le bâtiment doit alors servir de vitrine pour toute la filière, symbole du renouveau et de la nouvelle orientation donnée en matière de recherche et de développement.
Le terrain choisi est propice à cette volonté de représentation. Situé entre l’usine principale (ex. Poirrier) et la Seine, il comprend en outre déjà un atelier-laboratoire (A) réalisé par l’entreprise quelques années auparavant. Une construction fonctionnelle en béton armée, divisée en trois nefs, attribuable à André Riegler, l’architecte retenu pour la réalisation du laboratoire (B) et auquel il va relier son nouveau projet. Le programme? du laboratoire, plus normatif et techniquement plus complexe que le précédent, a largement conditionné la forme de l’ouvrage. En adaptant les besoins en surface de laboratoires de l’entreprise à la dimension minimum d’une cellule de recherche, Riegler détermine la hauteur du bâtiment à quatre étages, comprenant chacun quatre laboratoires subdivisés en quatre cellules. Leur surface (5x7,5m) est fonction des dimensions et dispositions du mobilier technique (paillasses et autres), tandis que leur hauteur (environ 3,80 m) résulte des impératifs de dilution des dégagements toxiques et d’une optimisation de l’éclairement. Tout le dispositif s’organise ainsi en fonction des systèmes de ventilation (naturelle et mécanique), de distribution des fluides (gaines maîtresses, réseau visitable) et d’éclairage (naturel et artificiel).
La structure? de l’ensemble est en béton armé?, le remplissage en briques et les planchers constitués de corps creux. La trame? est calée sur celle des cellules, créant en façade un rythme vertical qui, avec les lignes horizontales des brise-soleil?, également en béton, forment un quadrillage. Les massives allèges? en panneaux de béton soulignant chacun des niveaux contrebalancent la légèreté des menuiseries des baies? pour former un ensemble monumental et élancé.
Cette volonté de représentation se lit également dans la composition symétrique de l’édifice qui s’axe sur une entrée colossale. En façade sur Seine, celle-ci s’élève sur deux niveaux dont les plateaux placés en renfoncement comprennent des bords arrondis. A l’arrière, sur la rue Charles-Michels, l’entrée s’inscrit entre deux avancées massives, sortes de piliers creux s’étirant sur toute la hauteur du bâtiment dont les volumes intérieurs sont occupés par les bureaux des chefs de laboratoire. Avec son dernier étage placé en retrait tel un pont supérieur, des angles ajourés tels des terrasses de cabines et le pignon? émergeant tel un poste de commandement, l’ensemble présente l’apparence d’un navire industriel amarré en bord de Seine. Une qualité formelle qui se rattache là encore à une réalité plus fonctionnelle, chacun de ces espaces servant respectivement aux installations de ventilations, aux travaux de laboratoires sales et odorants, et à la machinerie du monte charge.
Occupé par diverses filiales de la société Khulmman durant les années 1960, le laboratoire et l’atelier de demi-grand attenant (Technicum) ferment en 1975 suite à la déclaration d’un incendie. Les deux bâtiment accueillent depuis les années 1990 des locaux associatifs.

Date de construction
1939; 1949-1951
Organisme
service du patrimoine culturel, Département de la Seine-Saint-Denis
Date de rédaction
2020
Destination successive
siège d'association
Auteur
André Riegler (architecte)
Parties constituantes
laboratoire; atelier de demi-grand

Illustrations

Saint-Denis ; Laboratoire Francolor, puis Kuhlmann, actuellement siège d’association - plan d’implantation de l’usine Dalsace, 1864

Au centre : l’usine Dalsace, à gauche : l’usine Poirrier. Les deux entreprises fusionneront (...)
N° 1029477 - jpg - 746 × 606 pixels Détails
Crédits a
Dimensions 746 × 606 pixels
Résolution 0.5 Mpx
Poids 379 kio
Date 12 novembre 2008
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Saint-Denis ; Laboratoire Francolor, puis Kuhlmann, actuellement siège d’association - façade arrière

Façade sur la rue Charles Michels. Au premier plan? les deux "colonnes" encadrant l’entrée et (...)
N° 1029475 - jpg - 640 × 465 pixels Détails
Crédits Photo Jacques Mangin © Département de la Seine-Saint-Denis
Dimensions 640 × 465 pixels
Résolution 0.3 Mpx
Poids 78.2 kio
Date 11 janvier 2011
Fichier no177p_3_.jpg

Saint-Denis ; Laboratoire Francolor, puis Kuhlmann, actuellement siège d’association - façade principale

N° 1029472 - jpg - 640 × 425 pixels Détails
Crédits Photo Guy Bréhinier © Département de la Seine-Saint-Denis
Dimensions 640 × 425 pixels
Résolution 0.3 Mpx
Poids 109 kio
Date 11 janvier 2012
Fichier 31426.jpg

Saint-Denis ; Laboratoire Francolor, puis Kuhlmann, actuellement siège d’association - vue générale

Vue depuis le ponte de l’Ile-Saint-Denis. La cage du monte charge émerge de l’édifice tel le (...)
N° 1029476 - jpg - 768 × 576 pixels Détails
Crédits Photo Antoine Furio © Département de la Seine-Saint-Denis
Dimensions 768 × 576 pixels
Résolution 0.4 Mpx
Poids 364.9 kio
Date 11 janvier 2012
Fichier 31427_vg.jpg

Saint-Denis ; Laboratoire Francolor, puis Kuhlmann, actuellement siège d’association - plan d’implantation, 1950

Au milieu du terrain le futur laboratoire, à gauche l’ancien atelier-laboratoire intégré au (...)
N° 1029473 - jpg - 2863 × 1474 pixels Détails
Crédits © Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, 1322W280
Dimensions 2863 × 1474 pixels
Résolution 4.2 Mpx
Poids 277 kio
Date 12 janvier 2012
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Saint-Denis ; Laboratoire Francolor, puis Kuhlmann, actuellement siège d’association - façade arrière (A)

Au premier plan?, l’atelier laboratoire, dit "Technicum".
N° 1029478 - jpg - 768 × 576 pixels Détails
Crédits Photo Antoine Furio © Département de la Seine-Saint-Denis
Dimensions 768 × 576 pixels
Résolution 0.4 Mpx
Poids 342.6 kio
Date 12 novembre 2014
Fichier 31431_vgn.jpg
Type d’étude et de recherche
Localisation
  • 15 boulevard de la Libération

Auteurs / protagonistes