Le 1% artistique
31 octobre 2019 , par
Dispositif mis en place en 1951, le 1% artistique? dans les constructions publiques exprime la volonté publique de soutenir la création et de sensibiliser à l’art. C’est une procédure de commande d’œuvres à des artistes qui s’impose à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales. Elle consiste à réserver, à l’occasion de la construction ou de l’extension de bâtiments publics, un pour cent de la somme totale des travaux à la réalisation d’une œuvre d’art.
Le 1% : histoire d’une mesure en faveur de la commande publique artistique
Si les prémices de la commande d’État aux artistes datent de la Révolution française, les commandes publiques prennent un essor particulier au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, et notamment en 1951 avec la création du 1 % artistique. Signé par le ministre Pierre-Olivier Lapie, l’article 1er du décret instaurant le 1 % stipule qu’un projet de construction d’établissement scolaire n’obtiendra un agrément que s’il comporte des travaux de décoration. À cette époque, la subvention ne s’applique que sur la seule subvention de l’État, et le choix de l’artiste ne résulte que d’une entente entre le maître d’ouvrage et l’architecte – qui choisit fréquemment un ou une artiste de son entourage – agréé ensuite par la commission consultative des achats et commandes du ministère de la Culture.
Le 25 février 1963, une circulaire amorce la déconcentration de la procédure du 1 %, stipulant que seuls les projets de construction d’un montant supérieur à 2500 francs seront désormais examinés par l’administration centrale. Parallèlement, en 1965, Malraux institue, par un arrêté du 18 novembre, des « conseillers artistiques délégués à la création artistique » dans les circonscriptions d’action régionale, chargés de faciliter l’élaboration de projets de décoration s’intégrant aux constructions publiques.
En 1978, un arrêté élargit la procédure du 1 % aux établissements publics relevant du ministère de la Culture, puis, en 1980, une succession d’arrêtés vient l’étendre à l’ensemble des ministères. Dans le contexte de la décentralisation?, la loi 83-663 Art.59 modifiant la loi 83-8 du 7 janvier 1983 rend obligatoire aux collectivités territoriales de mettre en place le 1 % artistique lors de la construction de nouveaux établissements publics, signant la généralisation du dispositif qui permettra la réalisation de plus de 12 000 œuvres à l’échelle? du pays. Celles-ci offrent une nouvelle visibilité à la création contemporaine auprès du plus grand nombre et incarnent une de politiques publiques majeures de soutien menées en faveur des artistes plasticiens.
Néanmoins, en ce qui concerne les collectivités territoriales, bien que la procédure du 1 % relève d’une obligation légale, une étude réalisée en 1995 par le ministère de la Culture témoigne de la faible application, à l’époque, du dispositif : parmi les 22 régions métropolitaines consultées, seules 5 d’entre elles avaient répondu appliquer effectivement la procédure, de manière, qui plus est, partielle. Pour les départements, vingt seulement disaient respecter la loi en la matière. Quant aux communes, seul 29 % d’entre elles appliquaient le décret de manière systématique et 11 % de façon épisodique. Le rôle des Directions régionales des affaires culturelles [DRAC] était alors particulièrement faible, 87 % des conseillers exprimant n’avoir jamais été sollicités.
Bien que cette politique ait pu être dénoncée comme celle d’ « un art de fonctionnaires » par Yves Aguilar en 1998, le décret n°95-770 du 8 juin 1995 donnant compétence au Ministère de la Culture pour l’amélioration de la qualité architecturale a permis d’assurer une politique cohérente du 1 %, associant les maîtres d’ouvrage, les artistes et les architectes après avis de commissions consultatives qualifiées.
Avec l’application du nouveau code des marchés publics, introduit par décret en 2001, des comités de sélection des artistes sont introduits dans le cadre de la procédure du 1 %, qui n’est alors plus à l’initiative unique de l’architecte. Ces comités sont formés de personnalités qualifiées et du maître d’ouvrage, de l’architecte, d’un représentant de la DRAC et d’un usager permettant un accès plus égalitaire des artistes à la commande publique.
Le 1% artistique? en Seine Saint Denis d’après les sources
D’après la liste consacrée au 1 % établie par la Direction générale de la Création artistique [DGCA] du ministère de la Culture et qui fut transmise aux Archives nationales, 330 commandes sont passées dans le cadre du 1 % sur le territoire de Seine-Saint-Denis pour la période qui s’étend de 1951 à 1998.
Les Archives nationales conservent les dossiers de commissions d’agrément qui se sont tenues pour valider la politique du 1 %. Leur consultation a permis de mettre au jour une grande partie des commandes qui ont eu cours au sein du territoire du département dès l’après-guerre via cette procédure.
S’agissant de ces commandes récentes opérées par le Département, les œuvres relevant du 1 % ont été inscrites à l’inventaire du Fonds départemental d’art contemporain et sont donc relativement bien documentées. Elles figurent sur le portail des collections en ligne Videomuséum (https://www.videomuseum.fr/fr).
Les archives de la DRAC Île-de-France, conservées par les Archives de Paris, détiennent quant à elles trois ensembles d’environ 90 dossiers relatifs aux commandes liées au 1 % en Seine-Saint-Denis, conservés sous les cotes 1976W5 et 1976W6. Ces lots ont permis de croiser les informations avec celles fournies par les dossiers des Archives nationales et de découvrir également d’autres chantiers de 1 % menés dans un contexte municipal.
De nouvelles informations ont pu être recensées grâce au travail effectué par les Archives municipales de Bobigny qui ont étudié le patrimoine artistique des groupes scolaires de la commune. Les Archives du Blanc-Mesnil nous ont également fourni des informations concernant l’ensemble des commandes municipales (1 % et hors 1 %) passées aux artistes femmes. En ce qui concerne les lycées, la publication d’Art/Lycées, le 1 % artistique en région Île-de-France (1951-1993) par le Conseil régional d’Île-de-France, parallèlement aux recherches menées sur le sujet par le Bureau du patrimoine contemporain de Seine-Saint-Denis, est venu enrichir l’inventaire fourni par la DGCA.