Matériauthèque
12 avril 2016 , par , , , ,
La matériauthèque? permet de disposer pour chaque matériau d’une notice de synthèse.
Quatre matériaux de constructions font l’objet d’études croisées dans ce dossier, aussi bien historiques et archéologiques que techniques : le plâtre, la terre cuite architecturale, le béton et l’aluminium.
Âges et usages de l’Aluminium
Produit industriellement à partir de 1854 l’aluminium ne se diffuse dans le domaine de l’architecture qu’après la seconde Guerre Mondiale. Les besoins de la Reconstruction favorisent les expérimentations de préfabrication légère pour l’habitat dans lequel s’illustre notamment Jean Prouvé.
Si ses principes de logements individuels produits en série ne sont pas retenus, ses réalisations permettent d’introduire l’aluminium dans le secteur de la construction. Léger et durable, d’un usinage facile, le métal devient symbole d’une modernité technique qui s’affirme au travers d’équipements publics, de la construction d’immeuble de bureaux et de halles d’exposition dont une des plus célèbre se trouve aujourd’hui à Villepinte.Retour ligne automatique
Le métal léger s’est progressivement imposé au secteur du bâtiment, pour se trouver aujourd’hui appliqué dans des programmes commerciaux, industriels ou de logement sous forme de panneaux de façade, de bardage?, de blocs fenêtres et tout un ensemble d’huisseries.
Historique et présentation générale de l’utilisation de l’aluminium
Constituant environ 8% de l’écorce terrestre, présent dans de nombreux minerais, l’aluminium n’a été isolé qu’au XIXe siècle.
Les découvertes du chimiste allemand Friedrich Wöhler en 1827 sont reprises par le chimiste français Henri Sainte-Claire-Deville en 1854. Celui-ci obtient de l’aluminium pur en réduisant le chlorure par le sodium. Ce procédé chimique qui n’autorise à ses débuts qu’une production très faible de l’aluminium rend le métal très coûteux ; durant quelques semaines, son prix est équivalent à celui de l’or. Les orfèvres s’emparent rapidement du « métal semi-précieux » pour la composition de pièces de joailleries et la création de pièces décoratives dans lesquelles s’illustre notamment l’entreprise Christofle.
Les techniques de production de l’aluminium sont radicalement transformées, en 1886, par la découverte du procédé électrolytique d’obtention de l’aluminium. Le brevet Hall-Héroult, du nom de leurs inventeurs, suivi par la mise au point du procédé Bayer (production d’alumine à partir de bauxite) marque le passage d’une production quasi-artisanale de l’aluminium à une véritable production industrielle dont les principes fondamentaux sont encore appliqués aujourd’hui.
– Exposition L’âge de l’aluminium de la Cité des Sciences en 2003
La modernisation des procédés de fabrication d’aluminium se répercute sur son prix de vente qui chute de 61 à 3 francs le kilo entre 1889 et 1898. L’obstacle du coût franchi, l’utilisation du métal se diversifie aux secteurs encore balbutiants de l’automobile et de l’aérostation.
Léger et inaltérable, on reproche néanmoins à l’aluminium sa trop grande malléabilité qui fragilise certaines réalisations. Pour y remédier, des chimistes expérimentent de nouveaux alliages tel Alfred Wilm qui découvre en 1909 le Duralumin. Alliage d’aluminium, de cuivre, de magnésium et de manganèse ce nouveau matériau se montre beaucoup plus solide que le métal pur tout en conservant, à chaud, une malléabilité identique. Ces propriétés trouvent un débouché idéal dans le secteur de l’aéronautique dont le dynamisme est assuré par les besoins du premier conflit mondial.
Autre alliage, l’Alpax, conçu à partir d’aluminium et de silicium, dévoile des propriétés mécaniques et une aptitude au moulage qui permettent la réalisation de pièces complexes. Découvert en 1920, l’alliage est rapidement adopté dans les domaines de la construction mécanique sous forme de pièces de fonderie (culasses, blocs-moteurs) et dans le secteur des transports (wagons, citernes, cabines...).
La société du Duralumin transfert en 1925 ses activités de transformation de métaux et de fonderie alors groupés au Kremlin-Bicêtre, à proximité de l’aérogare du Bourget sur la zone industrielle de la Molette? située au Blanc-Mesnil. Dans cette usine, on ne construit pas d’avions mais on lamine et on étire le métal pour en tirer des tubes et des profilés? de tout type.
Si le secteur des transports consomme dans les années 1930 entre 40 et 45 % de la production d’aluminium, l’industrie des arts ménagers recourt à son tour de plus en plus au métal léger.
Distribués dès 1890 pour les cantines des soldats, les gamelles et couverts en aluminium reconnus pour leur facilité d’entretien, leur solidité et leu innocuité équipent progressivement les foyers.
La promotion relativement importante sera relayée pendant des années par les « Salons des arts ménagers » qui présentent au public tous les nouveaux ustensiles en aluminium.
Malgré une concurrence accrue de l’inox et des matériaux plastiques à partir des années 1960, l’aluminium est encore largement utilisé. Toujours dans le domaine des arts ménagers, mais également pour l’emballage sous ses formes les plus célèbres de rouleau de papier et de cannettes de boissons, ou encore pour les câbles électriques, l’aéronautique et l’architecture.
L’aluminium appliqué aux domaines de l’architecture et du bâtiment
L’utilisation de l’aluminium en architecture est plus tardive que dans les autres secteurs et apparaît inégalement répartie sur le globe. En Europe on recourt au matériau léger de manière épisodique. En Italie tout d’abord pour la couverture de la coupole de l’église San Gioacchino ou en Autriche où l’architecte Otto Wagner l’utilise sous forme de clous pour maintenir des marbres en façade.
Son aspect lisse?, pur, ses capacités de résistance à la corrosion et sa symbolique attachée aux domaines de l’aéronautique et de l’aéronaval en font un matériau de la modernité. L’école d’art allemande du Bauhaus? ou l’école hollandaise de Stijl? s’initient à la transformation de l’aluminium en l’appliquant principalement pour les premiers au mobilier et pour les seconds aux huisseries.
Aux États-Unis le métal léger acquiert rapidement une grande notoriété dans l’architecture. Son essor est lié au développement rapide de la construction de gratte-ciel à partir des années 1920. Sa légèreté et son inaltérabilité sont mises à profit pour habiller les parties supérieures des buildings dont le plus haut de l’époque : l’Empire State Building à New-York.
Si l’influence américaine n’est pas à négliger, en France, l’essor de l’aluminium dans l’architecture est surtout associé au développement de la préfabrication légère aux lendemains de la Seconde guerre mondiale. Les nécessités de la reconstruction et les besoins urgents en logements conduisent à repenser les méthodes traditionnelles de la construction. Les procédés industriels expérimentés durant l’entre-deux-guerres vont être perfectionnés pour être appliqués, en premier lieu, aux programmes de logements. Le constructeur Jean Prouvé qui a marqué la période précédente par sa collaboration à des chantiers novateurs utilisant largement la préfabrication légère (maison du Peuple à Clichy, Beaudoin-Lods architectes, 1938), devient la figure de proue de cette nouvelle dynamique constructive.
Le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU?) le sollicite en 1944 et de nouveau en 1949, pour la conception de logements économiques destinés aux sinistrés de guerre. Assisté de l’architecte André Sive ou de son frère Henri, Jean Prouvé réalise plusieurs prototypes de maisons pouvant être produits en grande série, faciles à transporter et rapides à assembler. L’aluminium y est utilisé en complément de matériaux traditionnels notamment pour les façades et couvertures mettant ainsi au profit de la construction la légèreté et la forte résistance à la corrosion du métal.
Même si elles répondent à la commande, ces expérimentations dans l’habitat individuel ne trouvent pas de suite favorable auprès du MRU. Le ministère ne remet pas en cause la pertinence du matériau mais privilégie davantage les chantiers de logements collectifs recourant à des procédés de préfabrication lourde? pour résoudre la crise du logement.
L’abandon progressif de l’usage de l’aluminium dans ce type de construction ne marque en rien le déclin du matériau dans le bâtiment. Au contraire le métal semble s’ouvrir à de nouveaux programmes tant publics que privés. Les travaux de Jean Prouvé ont stimulé la réflexion générale sur les composants industriels de la construction et ont permis l’émergence de nouveaux procédés constructifs répondants aux exigences de l’époque : rapidité, simplicité et durabilité. Le panneau de façade semble être l’élément qui en ce début des années 1950 caractérise le plus l’apport de la standardisation à la forme architecturale.
Pouvant prendre plusieurs formes, le panneau de façade en aluminium est utilisé dans les premières opérations d’immeubles de bureaux (Fédération Nationale du Bâtiment, Paris, R. Gravereaux et R. Lopez architectes, Ateliers Prouvé constructeur, 1949), dans des équipements scolaires (groupe scolaire Langevin, Saint-Denis, P. Hohnenwald et G. Martin architectes, SCAN constructeur, 1951) et marginalement dans des programmes de logement collectifs (Suresnes, G. Goldberg, architecte, Ateliers Prouvé constructeur,1954) ou individuels (maisons de Meudon, H. Prouvé et A. Sive architectes, Ateliers Prouvé constructeur, 1949).
Les éléments réalisés peuvent recevoir les fenêtres (fixes ou basculantes), les portes mais aussi un ensemble de systèmes d’aération et de passages pour câbles. Leur mise en œuvre en façade est simple et rapide. Elle consiste à accrocher les panneaux les uns après les autres, en retrait (mur-panneaux) ou au droit de l’ossature? du bâtiment (mur-rideaux).
La multiplication des commandes et la diversification des programmes n’est pas sans lien avec l’investissement des producteurs d’aluminium, au travers de leur organe l’Aluminium français, en faveur de la promotion du métal auprès des architectes comme de l’administration centrale.
Le producteur d’aluminium Pechiney, qui voyait dès 1947 au travers du réseau et des expérimentations de Jean Prouvé un moyen pour asseoir le métal léger dans la construction, pris une part de 17% dans le capital de son entreprise.
En 1954, Pechiney confie à Prouvé, alors sur le départ, la réalisation d’un pavillon? d’exposition entièrement en métal léger pour la commémoration du centenaire de l’aluminium. Au-delà de l’exploit technique unanimement salué, le pavillon du centenaire est le témoignage de la propagande active que les industriels de l’aluminium menèrent dans les années 1950.
Cette stratégie semble être rentable car hormis quelques échecs l’aluminium fini par s’imposer à ce secteur resté longtemps sceptique voire réfractaire à ce « matériau d’ingénieur ». Sans négliger l’existence d’un phénomène de mode, les architectes et leurs commanditaires sont de plus en plus sensibles à un métal qui tout en répondant aux exigences des programmes offre un coût intéressant.
L’émergence de la construction de gratte-ciels de bureaux ouvre l’aluminium à un nouveau champ d’exploitation. Depuis la construction de la tour Hoechst (J. de Mailly et J. Depusse architectes, J. Prouvé ingénieur, La Défense, 1966), premier exemple français où il fut utilisé pour la constitution du mur-rideau vitré, l’aluminium est régulièrement associé à l’édification des tours de bureaux. Sa légèreté décharge les structures d’un poids inutile et permet d’augmenter la hauteur des constructions tandis que sa résistance aux corrosions limite son entretien notamment dans les parties les plus difficile d’accès.
La forme de l’usine est inspirée d’une orchidée où chaque pétale abrite un atelier. Les toitures sont recouvertes de panneaux d’Alucobond blanc.
Le perfectionnement des procédés de moulage et de colorisation renouvelle le style des premiers panneaux de façades en y apportant des formes plus variées.
Néanmoins si l’on pouvait percevoir au travers des premières réalisations une volonté de mettre en œuvre les qualités plastiques du métal, on note que progressivement seules ses propriétés techniques et chimiques justifient son usage.
Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que réapparaissent sous l’égide des architectes du mouvement « high-tech? » des mises en œuvre novatrices de l’aluminium. Jean Nouvel et l’Institut du monde arabe à Paris, Norman Foster et le Carré d’art de Nîmes, Dominique Perrault et le Centre technique du livre de Boissy-Saint-Léger ou encore Valode et Pistre pour l’usine L’Oréal d’Aulnay-sous-Bois.
Propriétés et mises en forme de l’aluminium
Le recours régulier de l’aluminium dans la construction résulte de ses nombreuses propriétés :
– Légèreté : Avec une densité de 2,70, contre 7,84 pour le fer et 8,80 pour le cuivre, l’aluminium est un métal des plus légers.
– Durabilité : L’aluminium révèle une importante longévité pour un entretien réduit. A l’inverse d’autres matériaux, l’aluminium ne vieillit pas, les rayonnements ultraviolets n’altèrent en rien sa surface.
– Solidité : Á masse égale et pour des conditions d’expositions identiques, l’aluminium offre une plus grande rigidité et une meilleure résistance à la rupture que les autres métaux. Son comportement plastique empêchant toute rupture brutale en fait le matériau idéal pour les constructions de grandes dimensions aux profilés fins, du type murs-rideaux, verrières, panneaux de façade etc...
– Résistance à la corrosion : L’aluminium est recouvert naturellement d’une couche d’oxyde qui rend le métal inerte et le protège des agressions atmosphériques, thermiques ainsi que de l’humidité et de nombreuses agressions chimiques.
– Pouvoir réfléchissant et conduction thermique : L’aluminium possède un fort pouvoir réfléchissant de l’énergie ambiante telle la lumière visible, la chaleur et les ondes électromagnétiques.
– Résistance au feu : L’aluminium est classé parmi les matériaux incombustibles puisqu’il ne brûle pas mais fond au-dessus de 660°C. Cette propriété s’accompagne d’une conductibilité thermique importante, quatre fois supérieure à celle de l’acier par exemple, permettant d’évacuer la chaleur plus rapidement en cas d’incendie.
– Matériau écologique : L’aluminium est un matériau entièrement et indéfiniment recyclable et sans perdre de ses qualités propres.
Chacune des caractéristiques décrites peut être plus ou moins importante selon les alliages utilisés en complément de l’aluminium. Il existe huit catégories d’alliage classifiées par un code de quatre chiffres qui indiquent la composition chimique, suivi d’une lettre et d’un chiffre informant sur le traitement thermique. Une nouvelle nomenclature internationale composée de quatre lettres et des quatre chiffres déjà existants remplacera à terme les systèmes de classification nationaux.
– La première série (1xxx) correspond à un alliage à base de 99% d’aluminium pur minimum. De très bonne résistance contre la corrosion et de bonne conductibilité, cet alliage n’a que de très faibles propriétés mécaniques. On ne l’utilisera que rarement en architecture.
– La seconde série (2xxx) à base d’aluminium et de cuivre, est reconnue pour sa haute résistance et donc surtout utilisée pour les structures soumises à des efforts importants.
– La troisième série (3xxx) aluminium et manganèse, sa bonne résistance et son niveau de déformabilité sont régulièrement appliqués à la construction notamment pour les toitures.
– La série 4xxx aluminium et silicium, est surtout utilisée pour les soudures et brasage pour les assemblages de pièces d’aluminium.
– Pour la série 5xxx aluminium et magnésium, sa très bonne résistance à la corrosion de l’atmosphère marin n’intéresse que modérément le secteur de la construction.
– La série 6xxx aluminium, magnésium et silicium, appréciée dans l’architecture pour sa déformabilité, sa soudabilité et sa résistance à la corrosion, est régulièrement employée pour des éléments extérieurs du type garde-corps. Ses aptitudes au brillantage et à l’oxydation anodique (coloration) sont régulièrement mises en pratique pour des éléments de décoration extérieure comme pour les carters des allèges? des panneaux de façade.
– La série 7xxx aluminium, zinc et magnésium, pour les pièces fortement sollicitées.
– Série 8xxx alliages divers, est utilisée dans tous les domaines.
La mise en forme du matériau :
L’aluminium sort des fonderies sous forme de plaques, de bobines, de billettes ou de lingots selon les usages que l’on souhaite en faire. Les tôles d’aluminium utilisées dans les couvertures ou dans les panneaux de façade proviennent du laminage puis du pliage sous presse des plaques d’aluminium. Pour la réalisation de profilés, l’opération consiste à extruder des billettes au travers d’une presse à filer.
Les pièces de fonderies sont obtenues par des procédés de coulage des lingots d’aluminium dans les moules spécifiques. Certains panneaux de façades sont également conçus à partir de moules de fonderie. Autorisant des formes plus variées, ce procédé qui s’est développé à la fin des années 1960, a permis de renouveler l’esthétique des murs-rideaux.
Le traitement de surface qui modifie l’aspect du métal tout en augmentant sa résistance à la corrosion peut être effectué par anodisation, pré-laquage et thermo-laquage. Ce dernier procédé qui propose une palette de couleurs quasiment infini est aujourd’hui le plus répandu.
Liste des sites patrimoniaux référencés pour l’aluminium
Titre | Commune | Code site | Vignette | Nbre de documents |
---|---|---|---|---|
Centre administratif, médical et social, municipal | Aubervilliers | 001inv075 | 4 | |
Usine de construction métallique Vinant, puis usine de transformation d’aluminium de la Société du Duralumin, puis Cegédur, puis Pechiney-Cegédur, actuellement parc d’activités Eiffel | Le Blanc-Mesnil | 007inv009 | 44 | |
Manufacture des tabacs, puis La Manufacture | Pantin | 055inv054 | 55 | |
Hermès | Pantin | 055inv066 | 3 | |
Centre National de la Danse (CND) | Pantin | 055inv075 | 50 | |
Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) | Pantin | 055inv172 | 3 | |
Ensemble de logements sociaux, Cité Irène et Frédéric Joliot-Curie | Saint-Denis | 066inv033 | 10 | |
Ensemble de logements HLM, Cité Paul Eluard | Saint-Denis | 066inv035 | 28 | |
Pavillon du centenaire de l’aluminium | Villepinte | 078inv002 | 7 |
le plâtre
Le gypse est une des ressources naturelles les plus abondantes au nord est de Paris, utilisé depuis la protohistoire. Malgré la précocité de son utilisation dans la construction, il est tombé en désuétude avec l’entrée du bâtiment dans l’ère industrielle.
Le plâtre : bref état des lieux
Le gypse est une des ressources naturelles les plus abondantes au nord est de Paris, utilisé depuis la protohistoire. Malgré la précocité de son utilisation dans la construction, il est tombé en désuétude avec l’entrée du bâtiment dans l’ère industrielle.
Aujourd’hui ce matériau n’est plus guère utilisé en maçonnerie comme pierre à bâtir ou comme liant, en effet la plus grande part de son exploitation actuelle vise à la fabrication d’éléments prêts à l’emploi comme les carreaux de plâtre ou des plaques de plâtre cartonnées Toutefois il reste idéal pour les moulages ou le staff. Le désintérêt pour ce matériau et les modes de la construction depuis les années 1970 font que l’histoire de son utilisation est mal connue Par voie de conséquence, les constructions anciennes en plâtre, souvent vernaculaires, mais aussi monumentales et prestigieuses, souvent d’une grande qualité architecturale souffrent de dénigrement et représentent un patrimoine dont l’état de conservation général est inquiétant.
Géologie
L’Ile de France représente un des gisement de gypse les plus importants à l’échelle? mondiale. Il s’est constitué pendant l’ère tertiaire (éocène, environ 80 à 38 millions d’années, du bartonien moyen au bartonien final). Le gypse saccharoïde, pied d’alouette ou fer de lance, est une évaporite (dépôt sédimentaire de contexte lagunaire de climat chaud) formant quatre masses dont la première peut atteindre une puissance de 21 mètres. Cette roche est relativement soluble d’où le dégagement des vallées de la Seine, de la Marne et de l’Oise. Toutefois, par des dépôts ultérieurs imperméables (marnes, glaise), de grandes surfaces de gypse ont été conservées, permettant l’exploitation de la roche en carrière.
L’étage gypseux qui surmonte les calcaires, s’étend depuis Meaux jusqu’à Meulan, Triel et Grisy, dans une région délimitée d’est en ouest par les vallées de la Marne et de l’Oise, et du sud au nord par la vallée de la Seine et des plateaux à couverture loessique qui conservent peu de buttes témoins.
Les trois premières masses du gypse forment une stratigraphie assez continue, dont les couches ont très tôt été distinguées par les exploitants selon leur aspect en carrière et leurs qualités. Les appellations les plus courantes dans le bassin de la Seine à la fin du 19e siècle sont les suivantes (du bas vers le haut) : le blanc-blanc, la cave, les grignards et le banc pavé pour la première masse ; les couennes, les rousses, le blanc jaune, le nez, les bousins, les canes, les bassins, les moutons, le petit banc, les fleurs et têtes de morts pour la deuxième masse ; les urines, les plombs, les quilles, les enragés, les urines vertes, les caves, les grosses urines, les crottes d’ânes, les quilles, les trois pieds, les hauts piliers, les hures, les cendreux ou les rousses, les gris de fer, le bien-venant, les noeuds, les enragés, le gros-jaune, les carrés, les écuelles, les moutons et les fleurs pour la troisième masse. La quatrième masse, trop proche de la surface, souvent très dégradée n’est pas exploitable pour produire du plâtre de qualité.
Propriétés
Du point de vue de la chimie, le gypse est un sulfate de calcium dihydrate (Ca SO4 2H2O), qui se transforme en plâtre par simple déshydratation. Lorsqu’on le chauffe à environ 130°, il perd une partie de son eau de cristallisation et devient semi-hydrate 2Ca SO4 ou CaSO4 ½ H2O). Pour achever sa transformation en plâtre, on le réduit en poudre. Lorsqu’on le remouille, il récupère son eau de cristallisation avec une légère élévation de température, puis reprend sa dureté. Cette réaction se produit en une dizaine de minutes, c’est donc un matériau tout à fait adapté aux besoins de la construction.
Exploitation
Vers 1268 ; le prévôt des marchands de Paris, Etienne Boileau fait rédiger à partir des coutumes le Livre des Métiers, qui réglemente les métiers de la ville, les plâtriers y sont réunis avec les maçons et les tailleurs de pierre. Le travail de nuit est interdit, l’apprentissage dure 6 ans, un maître n’a le droit de former qu’un seul apprenti à la fois, la divulgation des secrets du métier est interdite...
Le plâtre est le plus souvent produit par cuisson en tas et broyé à la main, c’est l’origine de l’expression « battre comme plâtre ». Mais, outre quelques mentions de plâtrières dans les sources d’archive, on ne connaît pas les sites d’exploitation du plâtre de l’époque médiévale, il y a fort à croire que les exploitations de cette époque ont continué à fonctionner pendant l’époque moderne et jusqu’au 19e siècle, effaçant les traces anciennes d’exploitation.
La production du plâtre telle qu’elle nous est connue au 18e siècle, notamment par les planches de l’Encyclopédie dite de Diderot et D’Alembert, se concentre sur le site d’extraction, la plâtrière, où toute la chaîne est représentée (extraction, battage et ensachage). Cette organisation, existe certainement dès l’époque médiévale, même si des cuissons peuvent avoir lieu sur les chantiers. Au demeurant, à Paris les fours étaient regroupés au pied de la colline de Montmartre, et le plâtre gagnait ensuite la ville par la rue Blanche.
En 1768 est publiée la première étude scientifique sur « Les phénomènes d’hydratation conduisant à la prise du plâtre » présentée par Lavoisier à l’Académie des Sciences. A cette époque apparaissent des fours droits, similaires aux fours à chaux, mais ils demeurent peu usités dans le nord est parisien.
Modèle de four imaginé par l’ingénieur Arson pour augmenter la productivité des plâtrières, en permettant simultanément la cuisson et le broyage du gypse ; époque contemporaine ; 4e quart 19e siècle. Le four disposait à cet effet, au dessus de la chambre de chauffe, d’un dispositif rotatif composé de meules et de cribles de plus en plus fins, ainsi le four pouvait produire directement du plâtre en poudre permettant l’économie du battage manuel. Mais comme ce dispositif représentait un investissement supérieur aux gains qu’il aurait permis, il n’a pas été développé.
Du fait d’un trop grand nombre d’accidents, les carrières souterraines de Paris sont fermées par un décret du 22 mars 1813, ce qui favorise les plâtrières de la banlieue et leur développement vers l’exploitation industrielle. La carrière de Cormeilles-en-Parisis par exemple est exploitée industriellement depuis 1822 par la famille Lambert.
Le Dictionnaire encyclopédique et biographique de l’industrie et des arts industriels, publié à à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris à partir de 1880, dresse un tableau très intéressant de la production de plâtre de Paris au moment de son industrialisation?. Rédigé par l’ingénieur des Arts et Manufactures Flavien, le long article qui suit l’entrée plâtre donne tous les détails depuis l’extraction jusqu’à la vente du plâtre au sac, et évalue tous les coûts de main d’oeuvre. Il en ressort surtout qu’en dehors des volumes grandissants de production, les techniques employées restent essentiellement fondées sur le mode traditionnel. De fait, la modernisation des moyens de production reste, sauf exception, d’un coût prohibitif jusque dans les années 1920. En revanche, il montre bien l’adaptation des exploitants aux méthodes modernes de gestion.
La région était jusqu’au début du 20e siècle la première zone de production de plâtre au monde, elle réunit encore aujourd’hui près de 70% de la production française.
La construction en plâtre
Le plâtre, ou tout au moins le gypse servait dès la protohistoire à l’agriculture. Il n’intègre les modes de bâtir qu’avec la conquête romaine, puisqu’en Gaule du nord, les traditions architecturales restent fondées sur la terre et le bois jusqu’à cette époque. Au premier siècle, le paysage bâti se transforme et on construit en pierre et brique. Le gypse (ressource de l’Ile-de-France), est une pierre qui, correctement mise en œuvre permet une construction de belle qualité et il fournit un liant remarquable. Si la construction en plâtre pendant l’Antiquité reste mal connue, c’est parce que ce matériau est concurrencé en Ile-de-France par le calcaire également abondant, qui, plus résistant lui est préféré pour la construction monumentale. Toutefois son utilisation est fréquente tant dans les villes (Lutèce, Meaux, Chelles) que dans les campagnes. De nombreuses fouilles menées depuis les années 1970-1980 en ont montré l’utilisation dans la construction dès l’Antiquité (Tremblay-en-FRance, Fontenay, Villiers-Adam, Drancy, Dugny, Taverny...).
A l’époque mérovingienne, l’utilisation du plâtre dans le domaine funéraire se généralise, alors que les traditions constructives se réorientent fortement vers la terre et le bois. Toutefois, la construction monumentale continue d’exister, en particulier pour les églises où le plâtre est parfois utilisé comme matériau de mise en œuvre et pour la mise en place de décors (Saint-Denis : stucs de l’église Saint-Barthélémy, substructions de l’église mérovingienne Saint Genest de Villemomble...).
La plupart des nécropoles mérovingiennes de la région (Saint-Denis, Bondy, Villemomble, Rosny-sous-Bois, Neuilly-sur-Marne, La Courneuve, Noisy-le-Grand, Epinay-sur-Seine, Paris, Nanterre, Herblay, Louvres Cormeilles, Fresnes) livrent des tombes maçonnées en plâtre et des sarcophages en plâtre moulé. Beaucoup de ces sarcophages sont décorés suivant des modèles répandus dans toute la région (ils se rattachent majoritairement au 7e siècle). Des sarcophages et tombes maçonnées existent durant tout le Moyen-Age, ils sont plus ou moins nombreux, selon les sites.
A partir de l’époque carolingienne, jusqu’à l’époque romane, le plâtre est utilisé pour des hourdis? en remplissage de pans de bois et pour constituer des sols durs. Les bâtiments de cette période étant majoritairement constitués d’une structure? porteuse en bois armée par des montants en bois plus ou moins importants dont les vestiges sont assez ténus Ces bâtiments sont souvent hourdis au plâtre, mais le faible volume de ce matériau retrouvé en fouille semble indiquer que lors des démolitions, la très grande majorité en est récupérée.
Gypse et plâtre forment des ensembles d’une grande cohésion, plus légers que le calcaire et la chaux.
Le château des 12 et 13e siècle de Saint-Martin du Tertre aujourd’hui arasé, a livré lors d’un diagnostic archéologique de nombreux fragments de plâtre correspondant à des éléments architectoniques, parfois polychromes (arcature à décors de dents de scie, fragments d’arcs doubleaux facetés, pilastre? à chapiteau, fragments de voûtement...).
A partir du 13e siècle, on assiste à une véritable « pétrification » du paysage bâti même en milieu rural.
C’est à partir de cette époque que les villages, cristallisés entre le 10e et le 12e siècle prennent leur structure urbanistique qui sera pérenne jusqu’à l’essor industriel et urbain du 19e siècle. Mais ce n’est qu’à partir des 14e et 15e siècles que se développent les toitures de tuile, associées à l’utilisation de plâtre pour la pose de rives, solins?, arêtiers.
Les bouleversements économiques du 16e siècle amènent la transformation des exploitations agricoles, apparaissent alors dans toute la France du nord de très nombreuses fermes à cour carrée. Pour notre région, la majorité des bâtiments sont en pierre et plâtre, et comprennent des pans de bois hourdis pour les étages ou les cloisonnements internes. A ces grandes exploitations s’ajoutent dans le tissu villageois des maisons de paysan qui sont à la fois le centre de petites exploitation et le lieu d’habitation, on les regroupe généralement sous le terme de maison-bloc. Les matériaux de leur mise en œuvre dépendent des ressources locales, donc dans le nord est parisien, elles sont majoritairement en pierre et plâtre, le moellon? étant plus économique que le pan de bois.
Sur les coteaux se développent des villages de vignerons au bâti plus serré, comme à Gagny, Argenteuil, Cormeilles en Parisis...
Dérivé du modèle de la maison bloc, se développe dans le village dès le 17e siècle des maisons bourgeoises, au module équivalent, mais à la forme légèrement plus « urbaine », notamment par une référence au vocabulaire architectural classique beaucoup plus forte (modénature? plus travaillée : larmiers, redans?, encadrements... et toitures mansardées - plus rarement), on en reconnaît à Pierrefitte-sur-Seine, Aulnay-sous-Bois, Tremblay-en-France...
Les châteaux de plaisance se multiplient aussi à cette époque, ils sont souvent construits en plâtre, Romainville, Montfermeil, Villemomble... avec de nombreux décors intérieurs en gypserie.
En 1667, à la suite du grand incendie de Londres survenu en 1666, Louis XIV prend un édit rendant obligatoire le recouvrement des constructions parisiennes par un enduit « tant dehors que dedans » pour éviter la propagation des incendies, le plâtre est le matériau privilégié. Cet acte renforce la prééminence du plâtre à Paris et ses abords.
L’entrée dans l’ère industrielle se marque surtout par des changements d’échelle dans l’utilisation du plâtre. Au 19e siècle, les constructions rurales se spécialisent très fortement : maisons de vignerons à Gagny et Pierrefitte-sur-Seine, fermes maraîchères à La Courneuve et Aubervilliers, fermes horticoles à Montreuil, fermes céréalières sur les plaines limoneuses (Tremblay-en-France, Villepinte, Aulnay-sous-Bois, Sevran... héritées des 16 et 17e siècles). La multiplication des constructions liée à l’industrialisation engendre la multiplication des constructions en brique, mais aussi un renouveau de la construction sur pans de bois plâtrés dont les poteaux sont débités à la scie, notamment pour des ateliers (il en subsiste à Saint-Denis). L’essor urbain entraîne la multiplication de construction d’immeubles de rapport en pierre, brique et plâtre. La maison bourgeoise évolue vers un module de plan? carré, développé sur trois à quatre niveaux, avec des modénatures plus en plus chargées (Pierrefitte-sur-Seine, Pantin...) et des décors de gypserie standardisés.
Alors que les constructions industrielles, le plâtre n’est qu’un matériau parmi d’autres, voire un matériau d’appoint, Il représente dans le nord est parisien le matériau fondamental de la construction traditionnel depuis le bas Moyen Age. Constructions économiques, les maçonneries de plâtre intègrent systématiquement un important volume de matériau réutilisé. Ce recours au remploi est attesté par les sources d’archives.
– D’une manière générale, les maçonneries de plâtre englobent des blocs de gypse, soit posés dans le sens du lit de pose, soit de façon désordonnée, sans préoccupation de leur litage et dans ce cas généralement en association avec d’autres matériaux. Les blocs et fragments de gypse se regroupent en trois ensembles : de module centimétrique, ces fragments sont à rattacher à des restes non tamisés lors de la préparation du plâtre, ils sont un composant du plâtre gros ; de la taille du poing à décimétriques voire pluridécimétriques, ce sont des moellons, composant de blocage, au même titre que les autres matériaux. Leur ordonnancement? dans ce cas là est irrégulier et assez opportuniste, ce sont des remplois, voire des fragments résiduels ; lorsque des maçonneries sont montées en assises de carreaux ou moellons calibrés de gypse, la pierre est toujours en position primaire (directement issue de la carrière), soigneusement taillée et peut même faire parement?.
– Du plâtre est quasi systématiquement réemployé sous forme de fragments divers, comme moellons en blocage, que ce soit dans des cloisons ou dans des maçonneries de plus fort module. On retrouve tous types de fragments, selon les contextes : remplois de blocs, de liant, fragments de sarcophages, fragments de moulures, éléments mobiliers?, des fonds d’auge s’observent également et la présence de plâtre plâtre recuit est certaine.
– Dans les élévations, on observe souvent la présence de « poignées de terre », prises dans le plâtre liant.
– Les constituants de ce qu’on peut appeler de façon générique « maçonnerie de plâtre » sont divers.
Les tuiles plates, en général fragmentées, sont parfois utilisées en rattrapage d’assise, ou comme cales horizontales aussi bien que verticales, souvent sans ordonnancement particulier. On les trouve aussi souvent formant les supports de gonds, encastrées dans la maçonnerie. Ces tuiles ont servi à tous les usages de la construction depuis le Bas Moyen Age : dallage, plinthes, rattrapage de seuil, appui de fenêtre, sol de cheminée, contrecœur, boulins de pigeonnier, fours, embase de moule à cloche ...
Les briques et fragments de briques, hormis un usage un peu moins polyvalent et une généralisation plus tardive, sont utilisés de façon assez similaire à celle de la tuile.
La blocaille de pierre, de type divers, regroupe les moellons et blocs de taille plus ou moins grande, et plus ou moins calibrée. Le calibrage des moellons est toutefois sensible en général (globalement 15 à 20 cm de côté). Cette blocaille regroupe à peu près toujours les mêmes matériaux. Le calcaire tendre (type lutétien), le plus souvent résiduel, parfois en remploi, parfois en renfort de maçonnerie (harpes, angles en besace, piédroits, linteaux...). Lorsque des blocs de calcaire ont un rôle architectonique dans ces maçonneries, ils sont toujours taillés, apprêtés et appareillés avec soin. Le calcaire dur type calcaire de Champigny, ou calcaire lacustre (appelé également pierre siliceuse, pierre froide, pierre meulière...), est rarement utilisé dans un but architectonique, mais plutôt en remploi, de façon parfois résiduel. Il est à noter que c’est bien souvent ce type de calcaire et des silex tertiaires de couleur crème que l’on trouve ponctuellement ou en paquets dans les marnes qui couvrent les masses du gypse. Dans l’exploitation des carrières en découverte, ces pierres sont extraites et vendues aux maçons ou entrepreneurs comme pierre à bâtir (cela explique en partie leur présence quasi systématique). Le silex est un silex gris à noirs de mauvaise qualité, souvent gélifiés, que l’on trouve localement et qui est souvent appelés chailles. L’utilisation de cette catégorie de pierre dans la construction en plâtre est du même ordre que celle des calcaires de type Champigny. Elle est souvent plus visible du fait de sa coloration, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’elle est plus fréquente. Ces roches sont quelquefois utilisées pour leurs effets visuels, voire décoratifs.
Le grès est localement peu disponible car les carrières importantes bordent la région du plâtre : Massif de Fontainebleau, de Montmorency, l’Aisne, le Beauvaisis, son utilisation dans les maçonneries de plâtre apparaît comme tardive, probablement pas avant le 19e siècle. Le grès comme matériau résiduel est quasiment absent, en revanche quand il est utilisé c’est essentiellement sous la forme de remplois de pavés. Du fait de la forte densité de cette pierre, on la trouve en général utilisée dans les parties basses des constructions.
– On observe rarement de tri rigoureux des matériaux. Cependant d’après les observations archéologiques, les constructions de fondations sont plus homogènes que celles des élévations : sélection des matériaux plus soignée, application plus rigoureuse à la constitution d’assises. Beaucoup d’élévations ne présentent pas d’assises régulières, et parallèlement bon nombre d’élévations sont coffrées en tout ou partie. Certaines fondations observées en fouille sont toutefois coffrées.
– Les pans de bois sont fréquents, mais paradoxalement leur documentation par l’archéologie est encore partielle.
Hourdis au plâtre, il en existe plusieurs déclinaisons. Sur le site de la rue des Fossés, à Tremblay, un bâtiment en pan de bois sur solin de plâtras est clairement lisible, il s’agit d’une étable installée en fond de cour datée du 14e siècle. A Villepinte, rue de l’église, un bâtiment du 16e siècle montre des traces de pans de bois dans ses cloisonnements internes : une cloison formant un angle a montré en négatif les traces des chevrons verticaux d’un pan de bois.
Au n°8 de la rue des Fossés à Tremblay (19 siècle), très peu d’éléments peuvent être liés à des pans de bois, mais les cloisonnements internes, utilisent abondamment cette technique avec du plâtre hourdé sur des armatures de lattis cloué sur des montants plus ou moins forts. Au Thillay (Val d’Oise), rue de Paris, un bâtiment possède un rez-de-chaussée? et premier étage construits avant le milieu du 19e siècle rehaussé vers 1850. La phase la plus ancienne montre un rez-de-chaussée avec murs en pleine maçonnerie et un premier étage sur une structure à pan de bois. Le second étage est construit par dessus en pleine maçonnerie vers 1850 au plus tôt. A Gonesse (Val d’Oise), à l’angle des rues de Paris et du Général Leclerc où les alignements ont une chronologie relative complexe mais comprise entre le 17e et le 19e siècle, un bâtiment présente sur son angle une grosse lacune d’enduit montrant un avatar d’encorbellement? de pan de bois hourdi de plâtre avec une armature assez forte - poteau d’angle de 20 à 30 cm - reposant sur une sablière, le bâtiment qui s’accole à ce dernier et lui est donc postérieur est maçonné en briques avec enduits au plâtre et à la chaux ...
– S’il peut arriver que quelques os s’y trouvent en position résiduelle, les maçonneries en plâtre utilisent fréquemment des ossements animaux dans leur structure. Des os longs de gros mammifères (fémur, tibia de bovins ou d’équidés) sont souvent utilisés comme éléments d’armature. Des métapodes d’ovins sont utilisés pour réaliser le chaînage? entre mur porteur et conduit de cheminée à raison d’un os tous les 15 à 20 cm.
– Les fondations sont souvent peu profondément enterrées : entre 0,5 et 1 m, elles délimitent l’emprise des bâtiments. Les caves aux parements coffrés contre les parois et au couvrement voûté en plein cintre coffré s’inscrivent toujours en retrait par rapport à l’espace définit par les fondation du bâtiment sous lequel elles s’insèrent. Au Bas Moyen-Age, les caves sont souvent munies de niches, petits celliers qui en général ne dépasse pas 2 m x 2 m.
Utilisations agricoles du gypse et du plâtre
Le sulfate de calcium fourni un amendement aux cultures d’une grande efficacité puisqu’il amène au sol du calcium mais aussi du souffre. Il a une action d’engrais, de désacidification du sol, il permet d’aérer les sols salins ou alcalins notamment en facilitant le drainage. Il sert aussi comme fixateur d’azote. Le gypse permet donc de contrôler la fermentation du compost des champignonnières, ou de limiter la fermentation des litières en étable.
Matériau poreux, le plâtre se charge facilement de l’humidité ambiante, c’est grâce à cette qualité et à sa couleur blanche qu’il est massivement employé à partir des 16e et 17e siècles à Bagnolet et Montreuil pour réaliser des murs à palisser pour des cultures fruitières. En effet, enduits de plâtre, les murs réverbèrent les rayons de soleil en renvoyant la chaleur, la lumière et une partie de l’humidité contenue dans le plâtre, ce qui favorise la croissance des plantes et le mûrissement des fruits. Montreuil est restée longtemps célèbre pour la qualité de ses pêches. Le développement maximal de cette technique horticole est atteint dans la seconde moitié du 19e siècle, mais le développement de Paris impose progressivement de remplacer les terrains agricoles par d’autres activités économiques (menuiserie, industrialisation...).
Le principe des murs en plâtre réverbérant la lumière et la chaleur du soleil sur les cultures se développe aussi, dans les zones de cultures maraîchères (Aubervilliers, La Courneuve, Villemomble, Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine), sans toutefois connaître le succès des murs à pêches.
Liste des sites patrimoniaux référencés pour le plâtre
Du mortier romain au béton haute performance (re)découverte d’un matériau
A partir du XVIIIe siècle, des chimistes et des savants se penchent sur la fabrication d’une « pierre artificielle ». S’appuyant sur des textes antiques, ils expérimentent divers procédés de fabrication mais sans réels résultats convaincants.
C’est à partir du milieu du XIXe siècle que s’accélèrent les expérimentations et les découvertes.
De la mise au point du ciment (mélange de chaux et d’argile calcinées, de sables et d’eau) au « béton aggloméré » (technique de la construction en pisé appliquée à un mortier de houille), du béton armé? au béton précontraint, différents procédés permettent de construire autrement. Les bétons à haute performance contribuent aujourd’hui à des ouvrages de plus en plus ambitieux.
Le béton est dans un premier temps utilisé pour ses qualités techniques (étanchéité? et résistance à la compression) dans la construction d’équipements et infrastructures (réservoirs, silos, ponts, canalisations) qui sont surtout la réalisation d’ingénieurs. Les architectes vont le réserver dans un premier temps à l’ossature des façades puis le béton armé favorise le recours à de nouvelles formes architecturales (ossatures, ponts à arche, coques, porte-à-faux?, voiles,...) et de nouveaux traitements de surface appliqués à toutes les formes d’architecture (églises, immeubles d’habitation, équipements, ...)
Du mortier romain au béton haute performance (re)découverte d’un matériau
Dès l’Antiquité, les Egyptiens, puis les Romains emploient dans leurs constructions un matériau extrêmement résistant. Ces derniers réalisent des mortiers contenant de la pouzzolane ou du tuileau (briques ou tuiles) qui ont apporté aux mortiers romains une bonne étanchéité et par conséquent ont assuré leur pérennité. Un passage d’un des « dix livres d’Architecture de Vitruve » suggèrent que les romains avaient découvert le ciment hydraulique. Ce matériau sera utilisée lors de la construction du panthéon de Rome, construit entre 118 et 123 après J.C.
« Il y a une espèce de poudre à laquelle la nature a donné une vertu admirable (...). Cette poudre, mêlée avec la chaux et les pierres cassées, rend la maçonnerie tellement ferme, que non seulement dans les édifices ordinaires, mais aussi sous l’eau, elle durcit. »(Vitruve, les dix livres d’Architecture »)
La mise au point du ciment
Dès le XVIIIe siècle, plusieurs savants ou chimistes étudient le phénomène de durcissement du mortier et diverses expérimentations effectuées pour l’élaboration d’une pierre artificielle qui se substituerait à celle utilisée pour les ouvrages s’avèrent non concluantes.
En 1756, John Smeaton, ingénieur anglais, découvre lors de la construction du phare d’Eddystone au large de Plymouth, que la pierre calcaire, une fois cuite, compose un mélange beaucoup plus résistant qui se solidifie au contact de l’eau.
En 1818, Louis Vicat, ingénieur des Ponts et Chaussées, affine, lors de la construction du pont de Souillac en Dordogne, la composition des ciments dits « artificiels ». Il établit la teneur en argile et en calcaire cuit à 1000°C pour constituer une chaux hydraulique qui, additionnée d’eau, va durcir. Il parcourt ensuite la France pour analyser la composition des carrières de calcaire de France et met également au point un appareil à mesurer la durée de prise des mortiers : l’aiguille de Vicat.
La publication de ses recherches suscite un attrait commercial : sa découverte entraîne le développement d’installations industrielles permanentes, les cimenteries. Trois principales cimenteries sont ainsi fondées : en 1833 au Teil par Pavin de Lafarge, en 1848 par la société Dupont et Demarle à Boulogne-sur-Mer et en 1852 par le fils de Louis Vicat près de Grenoble. La production, ainsi mécanisée, se diffuse de plus en plus rapidement au fur et à mesure que le chemin de fer se met en place en France.
François Coignet, fils d’un fabricant lyonnais de produits chimiques, s’intéresse au marché parisien et fonde en 1851 une nouvelle usine à Saint-Denis. Il va y construire en « béton aggloméré » un ensemble de bâtiments dont une partie (maison de maître, logement patronal et ancien bâtiment d’archives) est aujourd’hui inscrite sur la liste supplémentaire des Monuments historiques et l’autre partie (principalement des infrastructures de production) détruite. Pour ces réalisations, il associe la technique du pisé à un mortier contenant des résidus industriels : des cendres de houille. Bien que ces deux procédés soient déjà connus, l’invention consiste à les associer.
François Coignet commercialise ce procédé sous différentes appellations (« pierre artificielle », « béton économique », « béton aggloméré »...) et sous différentes formes qu’il propose dans des catalogues. Il fonde ainsi en 1861 la Société « François Coignet, frères et Cie pour l’exploitation des bétons agglomérés » mais son procédé ne bénéficiera pas du succès qu’il avait escompté.
Invention du béton armé
L’idée d’inclure des structures en métal ou en acier dans du ciment ou du béton est née à différents moments au XIXe siècle et en plusieurs endroits.
En 1849, Joseph-Louis Lambot, agriculteur dans le Var, invente une première barque en treillis de fer enrobé? de ciment. Il avait auparavant confectionné des caisses pour orangers et des réservoirs avec le même matériau. Il dépose une demande de brevet pour sa barque en 1855 et en présente une seconde à l’Exposition universelle mais qui sera peu remarquée.
Joseph Monier dépose en 1867 une demande pour « un système de caisses-bassins mobiles en fer et ciment applicables à l’horticulture ». Il construit un premier réservoir en 1868 et vers 1875 le premier pont en ciment armé. Sa licence est vendue en 1884 à Conrad Freytag qui cède ensuite ce droit à Gustave-Adolf Wayss. Ainsi, en allemand, le béton armé s’appelle monierbeton.
En France, quelques ingénieurs commencent à déposer des brevets. L’usage des termes « ciments armés » ou « bétons armés » s’emploient parfois indifféremment. Il nécessite des précisions de définition. Ainsi, Anatole de Baudot, précise en 1916 dans L’architecture - Le passé - Le présent : « [...] Ce qui les différencie, ce sont les dosages et le mode d’armatures métallique. En outre, pour le béton armé on fait emploi de cailloux et de sable, tandis que pour le ciment armé le sable seul est utilisé ; de ce fait, il résulte que l’épaisseur des éléments est très différente ».
En 1892, François Hennebique dépose le brevet de la poutre à étrier : une armature constituée de fers ronds placés aux parties supérieure et inférieure de la poutre et solidarisés entre eux par des étriers. Ce système a remporté un vif succès du fait de sa facilité d’emploi sur le chantier mais également d’une diffusion commerciale offensive.
L’immeuble construit par Hennebique à Paris au 1 rue Danton participe de cette diffusion. Premier immeuble en béton armé, il regroupe son logement d’habitation et les bureaux d’étude de son entreprise. Il se confond dans son environnement d’immeubles construit en pierre de taille et présente un décor présentant le système Hennebique.
L’emploi du béton armé rend possible des formes et des performances nouvelles : le porte-à-faux, les portiques, le franchissement de grandes portées. Il est utilisé lorsque le béton (sans armatures) ne travaille pas en compression dans l’ouvrage réalisé ou lorsque l’élément fabriqué est de petite dimension.
Auguste Perret, architecte, va utiliser les possibilités du porte-à-faux du béton lors de la construction du théâtre des Champs-Elysées en 1910-1913 où la structure de la salle de spectacle repose sur des piliers en béton armé. Il va également réaliser dans ce même matériau l’église Notre-Dame au Raincy en 1922-1923. Néanmoins, l’église s’est altérée rapidement du fait d’un défaut dans le malaxage du béton. L’eau s’est ainsi infiltrée et les armatures se sont corrodées. L’église a fait l’objet d’une restauration importante en 1988.
Longtemps, on pensa que l’élasticité du béton était presque aussi constante que l’acier (règlement de 1906). Eugène Freyssinet se rendit compte de cette erreur en 1911 après la construction du pont au Veurdre sur l’Allier : le niveau des clés du pont s’était abaissé de 13 cm. Ses recherches vont l’amener à l’invention du système de la précontrainte en 1929 : le béton est coulé sur une armature métallique soumise à une forte traction. Le béton ayant durci, l’armature est libérée et transmet sa force de rétraction à l’ensemble de la structure. Les barres d’acier sont remplacées par des câbles. Il autorise une plus grande légèreté des éléments porteurs. C’est ainsi qu’en 1946, Eugène Freyssinet réalise en béton précontraint le pont de Luzancy sur la Marne, premier pont en béton construit sans cintre.
Ces principaux systèmes constructifs et matériaux vont dès lors être utilisés dans la plupart des réalisations. En Seine-Saint-Denis, de nombreuses réalisations de qualité ou qui marquent l’histoire de l’architecture jalonnent le territoire.
De nombreux réalisations pour l’industrie sont construites.
Parmi elles, à Pantin, les magasins de la Chambre de commerce et d’industrie sur le port (1929) et la halle de « trafic accéléré » des marchandises de la SNCF (1946-1949), constituent des bâtiments de qualité, affirmant leur affectation par la taille des bâtiments, l’affirmation du matériau ou les systèmes constructifs employés (poteaux en V caractéristiques des réalisations de l’ingénieur Bernard Laffaille que l’on retrouve également dans la construction de Notre-Dame à Royan).
Le logement social est également un important lieu d’utilisation du béton et d’expérimentation de nouvelles formes architecturales. La cité de la Muette à Drancy (1929-1939) et le quartier de l’église (1953-1956) à Pantin sont deux chantiers où se perfectionnent les techniques de préfabrication sur le chantier ou en usine. La cité République à Aubervilliers (Kalisz et Perrotet architectes, Atelier d’Urbanisme et d’Architecture, 1966-1970), Les Courtillières à Pantin (Emile Aillaud architecte, 1955-1958) ou encore l’ensemble au Vieux Pays à Villetaneuse (Jean Renaudie, architecte, 1976-1983) expriment la volonté des architectes d’inventer de nouvelles formes, de nouveaux espaces à vivre pour rompre avec l’architecture uniforme des grands ensembles et valoriser les usages du matériau.
Les principales innovations postérieures vont consister à viser une meilleure connaissance du matériau : l’étude fine du béton par l’usage du microscope pour mieux comprendre les phénomènes de durcissement, de réaction entre les matériaux employés, la mise en place de calculs de plus en plus fins vont permettre aux ingénieurs des formes de plus en plus ambitieuses sur des portées de plus en plus longues.
Ainsi en 1958, les architectes Camelot, Mailly et Zehrfuss et les ingénieurs Esquilan, Balency et Lacombe collaborent à l’achèvement du CNIT construit à la Défense. Cette grande structure couverte en béton armé (7500 m2) repose sur trois points d’appui et fait parti des records de portée (206 m en façade).
En 1959, la municipalité de Saint-Ouen lance un projet ambitieux de complexe sportif sur la pointe de l’Ile-aux-Vannes dont le fleuron sera le gymnase, conçu par René Sarger et Anatole Kopp, couvert d’une voûte paraboloïde hyperbolique qui nécessite d’importants calculs du bureau d’études facilités par l’apparition des premières calculatrices électroniques.
Une des dernières innovations consiste en l’invention depuis 1980 de bétons autoplaçant et à ultra haute performance qui permettent de réaliser des ouvrages tels que le viaduc de Millau construit en 2004, le plus haut pont du monde atteignant 343 mètres de hauteur. Les bétons autoplaçant, très fluide, n’ont pas besoin d’être vibré pour être homogénéisé. De fines poudres ajoutées au béton permettent d’améliorer la résistance mécanique des bétons à ultra haute performance, de leur attribuer une durabilité supérieure et une faible porosité.
Les altérations du béton
Les altérations de ce matériau ont des origines nombreuses : elles peuvent concerner chaque étape depuis la formulation du matériau jusqu’à la mise en oeuvre. Elles sont généralement liées à des problèmes de structure, à un vieillissement du béton ou à une agression de l’environnement.
Cinq mécanismes de dégradation sont généralement identifiés :
– la carbonatation : ce phénomène de vieillissement naturel concerne tous les bétons. Elle se manifeste par une corrosion des armatures et l’apparition d’épaufrures (d’éclats) montrant des armatures oxydées ;
l’attaque des chlorures ;
– l’attaque sulfatique : elle apparaît lorsqu’il y a un apport important de sulfates provenant souvent de pollutions industrielles ou urbaines. Le béton gonfle et se fissure. Celles-ci sont généralement assez fines et se diffusent en réseau ;
– les cycles de gel-dégel et gélivité : tous les bétons ne sont pas sensibles à ces cycles. Cela concerne ceux qui présentent déjà des fissures favorisant la porosité du matériau ou ceux dont les granulats ou la pâte de ciment sont sensibles au gel ;
– l’alcali-réaction : les désordres apparaissent, en général après plusieurs dizaines d’années, sous forme de faïençage ou d’éclatement du béton.
Ces cinq mécanismes de dégradation sont étudiés par le Laboratoire de recherche des monuments historiques
Le musée des arts et métiers à Paris a réalisé une exposition intitulée « Béton, étonnez-vous ».
Liste des sites patrimoniaux référencés pour le béton
Titre | Commune | Code site | Vignette | Nbre de documents |
---|---|---|---|---|
Ensemble de logements HLM, Cité Lénine, Cité République ou Cité Potemkine | Aubervilliers | 001inv315 | 5 | |
Ensemble de logements HLM, Cité du Pont de pierre | Bobigny | 008inv045 | 6 | |
Ensemble de logements HBM, Cité de la Muette | Drancy | 029inv052 | 91 | |
Hangars du Bourget, dits hangars Lossier | Le Bourget, Dugny | 030inv008 | 14 | |
Grand ensemble d’Orgemont ; Gros Buisson (appelation initiale) | Epinay-sur-Seine | 031inv037 | 2 | |
Entrepôt des Galeries Lafayette, actuellement désaffecté | L'Ile-Saint-Denis | 039inv014 | 1 | |
Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP) | Pantin | 055inv025 | 16 | |
Ensemble de logements HLM, Cité des Courtillières | Pantin | 055inv063 | 133 | |
SERNAM | Pantin | 055inv067 | 16 | |
Centre National de la Danse (CND) | Pantin | 055inv075 | 50 | |
Quartier de l’Eglise | Pantin | 055inv077 | 4 | |
Logement ouvrier Coignet | Saint-Denis | 066inv061 | 16 | |
Ensemble de logements HLM, Cité la Prêtresse | Stains | 072inv033 | 1 | |
Le Vieux Pays | Villetaneuse | 079inv011 | 15 |
La terre cuite architecturale, un matériau ancien réinventé par la révolution industrielle
Employée couramment depuis l’Antiquité, la céramique? architecturale, résultat de la cuisson de l’argile sous forme de brique, tuile ou carreau de céramique, est le plus ancien matériau artificiel de construction. L’Ile-de-France, qui bénéficie d’un sous-sol riche en pierre à bâtir, n’a guère connu d’architecture vernaculaire en brique.
Il faut attendre les transformations profondes du mode de fabrication au XIXe siècle pour voir s’y répandre la céramique dans l’architecture. Les progrès de la mécanisation adaptent le matériau traditionnel pour en faire un produit économique et standardisé. Son succès est amplifié par la redécouverte de la polychromie? en architecture, puis par la naissance du style Art Nouveau? à la fin du siècle. Couramment employée à la fois dans le gros et le second œuvre (murs, voûtes, planchers, cheminées etc.), la brique ainsi que les ornements rapportés en céramiques se déploient également en façade, dans une profusion de figures, tout type d’édifice confondu. Leur emploi contribue ainsi à caractériser les paysages de la banlieue, qui se construisent entre le dernier tiers du XIXe siècle et la fin de l’entre-deux-guerres : paysages industriels et de faubourg?, architectures publiques hygiénistes?, architecture industrielle aux accents art déco. Matériau emblématique et riche en ressources, il trouve, après une relative éclipse depuis la Seconde Guerre mondiale, un nouvel élan à travers l’œuvre de certains architectes.
Un matériau traditionnel longtemps peu présent dans le nord-est parisien
La fabrication des produits céramiques, quels qu’ils soient, comporte cinq grandes étapes, que les dictionnaires et manuels publiés au XVIIIe siècle, permettent de retracer, planches illustrées à l’appui. L’Art du tuilier et du briquetier de Duhamel du Monceau, édité par l’Académie des sciences en 1763 constitue ainsi une des sources importantes sur la fabrication avant l’ère de la mécanisation. Chacune de ces étapes contribue à déterminer les caractéristiques du produit final :
– L’argile est à la base de tous les produits céramiques, des briques les plus grossières jusqu’aux porcelaines les plus fines. Son extraction intervient à la fin de l’automne ou au début de l’hiver.
– La préparation de la pâte. En fonction de la qualité de l’argile, on lui adjoint des matériaux dégraissants tel le sable - afin d’éviter que le produit final ne se déforme ou se fendille - ou au contraire fondants, afin d’obtenir un meilleur degré de vitrification. Après ajout d’eau, elle est pétrie pour être homogénéisée.
– Le façonnage est réalisé à la main jusqu’au début du XIXe siècle. Le mouleur rempli le moule en y jetant ou pressant la quantité d’argile nécessaire, puis arase l’excédent, le démouleur reverse le moule sur une surface préalablement recouverte d’une fine couche de sable. Le ployeur donne aux tuiles la courbure voulue.
– Le séchage fait perdre aux pièces façonnées, avant la cuisson, leur eau de façonnage, afin d’éviter toute rupture ou déformation. Tuiles, carreaux ou briques sont démoulés au sable et transportés jusqu’à l’aire de séchage sur palettes en bois. Cette opération ne pouvait être réalisée qu’en dehors des périodes de gel, limitant la production dans l’année entre avril et octobre.
– La cuisson constitue l’opération centrale et délicate dans la fabrication. A côté des fours traditionnels au bois, une autre technique de cuisson dite à la volée ou en meule, consiste à fabriquer le four avec les briques à cuire elles-mêmes. Ce mode de cuisson, permet de réduire les coûts de transport, puisque les briques sont fabriquées en grande quantité, à proximité du chantier où elles vont être utilisées. En revanche, il présente l’inconvénient de fournir un pourcentage assez important (un cinquième environ) de briques mal cuites. Il a été beaucoup pratiqué dans le nord de la France, en Belgique ou en Angleterre, on en trouve aussi la trace en Seine-Saint-Denis, dans les dossiers d’établissements classés au XIXe siècle.
Du fait de la présence de gisements de calcaire et de gypse dans le sous-sol du nord-est parisien, la construction vernaculaire n’a pas eu recours à la brique. Elle n’est attestée que dans les constructions de manoirs ou châteaux : pour ses qualités réfractaires elle est employée dans les conduits de cheminée, comme au château de Villemomble (1765-1767) ou en parement dans un style brique et pierre de taille, comme le château de Gournay, construit à partir de 1680.
Pour la couverture du bâti rural, tout semble indiquer que la tuile en terre cuite demeure très minoritaire jusqu’au XVIe siècle et réservée aux bâtiments des grandes fermes ainsi qu’aux résidences aristocratiques, manoir ou maison forte. Elle se diffuse cependant assez rapidement à partir du milieu du XVIe siècle, gagnant d’abord les maisons d’habitations, puis les bâtiments d’exploitation, et l’emporte sur les couvertures végétales dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. La tuile médiévale et moderne, plate, se distingue nettement de la tegula antique : elle est moins épaisse, de 1,5 à 2 cm maximum, plus petite, d’un module variable, et sa fixation aux pannes du toit est assuré par des combinaisons diverses de clous et de crochets.
Les cartes anciennes signalent une tuilerie à Coubron, une autre Montfermeil, attestée dès le XVIe siècle. La vente aux enchère de ce site en 1794 porte sur « Un corps de bâtiment servant de maison au thuilier, un hangar pour faire sécher de la thuile et un four « pour la faire cuir » (...) plus une pièce de terre de soixante deux perches et demi, où l’on tire la terre pour faire la thuile (...). » En 1811, un bail pour exploitation stipule que la tuilerie comporte dans deux halles fermées « un four à la chinoise, un mouloir, deux puits dont un avec pompe en bois.
Dans l’ensemble on ne trouve à la fin de l’époque moderne aux environs de Paris, que de petits fours de forêt, principalement dans la grande couronne (Orléans, Montereau, Etampes), ou le long de la Seine, avec des productions beaucoup plus faibles que ceux établis à la même époque à proximité des grandes places fortifiées du Nord.
Le XIXe siècle : innovations techniques et mécanisation du travail
Au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les grands chantiers de l’Etat, notamment en matière de génie militaire (Armentières, Maubeuge et les grands ports de guerre, Le Havre, Brest, La Rochelle) vont donner lieu aux premières expériences de contrôle qualité de la brique dont l’armée fait grande consommation. En 1762 l’ingénieur militaire Gallon réalise ainsi ses premières recherches sur la résistance des briques, tandis qu’en 1810, Rondelet met en évidence le principe de la « massivation », compression qui permet de doubler la résistance à la rupture, des matériaux artificiels comme la brique.
La construction de l’arsenal de Toulon vers 1813 sous la conduite de Raucourt de Charleville, voit la promotion d’un type de brique creuse "bicubique" (14 x 14 x 28 cm3), six fois plus légère que les briques ordinaires et pouvant supporter un poids de 6 tonnes. Ce matériau léger produit en grande quantité par moulage à l’aide d’une machine assez simple et avec 2000 forçats marque une première normalisation dans la construction (Raucourt de Charleville, Mémoire pour les travaux par économie établis au port de Toulon, Paris, 1832, cité par A. Guillerme).
L’industrialisation que connaît le pays au XIXe siècle, permet non seulement l’émergence de nouveaux matériaux de construction, elle génère aussi des travaux sur la mécanisation de la production de matériaux traditionnels comme la brique ou la tuile. Chaque étape de la fabrication fait l’objet d’inventions successives donnant lieu au dépôt d’un grand nombre de brevets, notamment à partir des années 1840.
La préparation de l’argile bénéficie de l’invention d’un type de moulin (pug mill) de forme cylindrique comportant un axe vertical actionné par un cheval, qui imprime un mouvement de rotation à plusieurs lames qui permettent de malaxer l’argile.
Le travail long et répétitif du façonnage, celui des briques comme celui des tuiles se prête très tôt aux essais de mécanisation. Les premières machines cherchent à imiter le geste de l’homme, à presser mécaniquement un bloc d’argile humide dans un moule. En 1828, la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale de Paris lance un concours pour la meilleure machine, remporté par un appareil permettant à quatre hommes de produire 19200 briques en 12 h ou 38400 carreaux de carrelage (Edmond de Mulhouse). La machine Carville (1840) réunit les opérations de mélange et pétrissage, moulage et démoulage, permet de mouler 1500 briques par heure.
Parallèlement les recherches se portent sur un procédé employant l’argile sèche, plus efficace. Les premières machines à « extruder » sont inventées en Angleterre au tout début du siècle. L’étireuse de M. Schlickeysen (1860) constitue l’aboutissement de ce procédé : introduite par la partie supérieure de la machine, la terre est malaxée dans un cylindre par une vis d’Archimède, actionnée par un manège (plus tard par un moteur) ; sous l’effet de la pression, la pâte est poussée à travers un orifice rectangulaire situé à la base du cylindre, et ressort comprimé sous la forme d’un ruban, qu’il suffit de couper à égale distance pour obtenir un parallélépipède rectangle parfait. C’est l’invention de la brique mécanique, lisse et présentant des qualités de grande régularité. Ce système, entièrement mécanisé et automatisé, est toujours utilisé pour la production des briques mécaniques de nos jours.
Dans l’automatisation de la production, le four a également fait l’objet de recherches et innovations constantes, afin d’obtenir une cuisson la plus régulière possible avec des économies de combustible. L’invention par l’architecte berlinois Friedrich Hoffmann du four à feu continu pour la cuisson des briques, tuiles et carreaux de terre cuite (brevet du four Hoffmann en 1858), constitue un progrès décisif, permettant d’accroître la production de façon notable et d’égaliser la qualité de la cuisson.
Qualités et provenance de la brique
Une bonne brique doit posséder une résistance mécanique, résistance à la pression, à l’écrasement ainsi qu’une régularité de la forme, et une porosité suffisante pour permettre la bonne tenue du mortier. Dans cette optique, les briques de Bourgogne sont les plus estimées. Rouges pale, chargées de petites taches brunes produites par des matières vitrifiées, on en compte trois qualités différentes : rouge, grise ou brune (0,22 x 0,11 x 0,054). Parmi les briques façon bourgogne, façonnées à Paris ou environs, moins chères, A. Chabat cite à la fin du XIXe siècle la brique de Vaugirard (0,22x0,11x0,06 ou 0,065), ainsi que les briques de Pantin ou des Buttes-Chaumont de mêmes dimensions mais de moindre qualité.
A la fin du siècle, s’établissent dans le nord-est parisien quelques rares briqueteries ou tuileries au sein des carrières de gypse, reprenant en cela une tradition déjà ancienne, afin de tirer profit des bancs d’argiles interstitiels : à Montreuil, l’usine Morel (20 000 briques et 400 poteries de cheminée par jour), à Bagnolet la grande briqueterie de Paris et la briqueterie Dubos.
De nouveaux types de produits
Parmi les brevets pour nouveaux types de briques (forme, taille, composition...) l’histoire a retenu les briques tubulaires de Borie (1849) ou briques creuses "percées dans le sens de leur longueur de huit canaux disposés sur deux rangs et séparés par des languettes de 7 à 8 mm d’épaisseur" : (Revue générale d’Architecture et des Travaux publics, 8, 1849, p. 13), marquent un progrès notable quant au rendement mécanique.
L’invention en 1841 par les frères Gilardoni de la tuile mécanique à emboîtement révolutionne le domaine de la couverture, et marque la fin rapide de tous les modèles de tuiles anciennes. « Une tuile de bonne qualité doit être, et est en général suffisamment imperméable à l’eau ; mais comme pour les briques, c’est par les joints que l’humidité peut pénétrer à travers la toiture (...). » (Henri Gilardoni). Leur emploi conduit à la simplification de la charpente, désormais moins coûteuse : de grands bardeaux d’un mètre de long, portant des nervures pour y accrocher la tuile, reliés par des tirants? en fer plat ou rond et posés directement sur les chevrons.
Les recherches se portant également sur la composition des produits, la brique quitte le seul registre de la terre cuite au cours du XIXe siècle. Les briques de laitier ou de mâchefer fabriquées avec des scories de forges ou de hauts-fourneaux, connues depuis le milieu du XVIIIe siècle en Grande-Bretagne, se développent dans le Nord à partir de la toute fin des années 1820. De couleur grise (elles peuvent être colorées avec oxydes métalliques), légères, résistantes, faciles à tailler et moins chères. La brique ou le parpaing de mâchefer a trouvé un assez grand développement dans la banlieue industrielle de Paris.
La découverte de la brique silico-calcaire a pour origine les recherches de Vicat sur les composés calcaires. Vers 1880, Michaelis découvre que la chaux et la silice qui ne réagissent pas à température normale, se combinent très vite sous l’influence simultanée de la chaleur, de la vapeur d’eau et de la pression. Un mélange de silice et de chaux, finement pulvérisées et intimement mélangées, soumis à une cuisson prolongée dans un autoclave, sous une pression de 8 à 10 kg de vapeur, donne naissance à un corps nouveau, compact, d’apparence cristalline, d’une très grande dureté (hydro-silicate monocalcique). Les premières usines ne verront le jour en France que vers 1900. En 1920 on en compte une vingtaine, notamment dans le Nord (Rosendael), près de Paris (Choisy-le-Roi), dans l’Aisne ou l’Oise.
Ces briques présentent l’avantage de conserver leur forme, taille et couleur sans être altérées par la cuisson. De forme régulière, surfaces planes, arêtes rectilignes, couleur naturellement blanche (peut être teinte par addition au moment du mélange d’ocres ferrugineuses, souvent rouges ou jaunes). Stable et peu soumise aux attaques atmosphériques, d’aspect cristallin, de coloration régulière, elle est essentiellement une brique de parement.
Les briques réfractaires sont des briques résistantes à de très hautes températures, ne contenant ni chaux, ni oxyde de fer, largement employées dans l’industrie, notamment pour la construction des fours.
Redécouverte de la céramique architecturale décorative au XIXe siècle
Les travaux du génie militaire et civil (canaux, égouts, ponts etc.) dans la première moitié du XIXe siècle favorisés par l’invention du ciment de Portland (1824-1843) et les progrès techniques de la fabrication de la brique et de la céramique en général encouragent l’emploi de ces matériaux dans la construction. La redécouverte de la polychromie par les architectes au cours de la même période joue un rôle prépondérant dans leur renouveau comme élément décoratif.
A la suite des architectes allemands et anglais (Bauakademie de Karl Friedrich Schinkel à Berlin, 1832-1835, Royal Albert Hall (1867-1871) et l’actuel Albert and Victoria Museum (1859-71) à Londres), les architectes redécouvrent dans leurs voyages italiens, la polychromie des édifices antiques et médiévaux. Dans ces grands édifices, la structure en arches de briques renforcées par des tirants de fer permet de dégager pour les murs extérieurs des panneaux de briques légers, parce que non porteurs. Dans le Paris d’Haussmann, rénové à coup de pierre de taille, la brique fait son entrée par le biais de l’architecture utilitaire. V. Baltard (1805-1874) et F. Callet (1791-1854) décorent les murs extérieurs des pavillons des Halles centrales (1860-66) - construites avec des colonnes de fonte - de brique formant des losanges rouges sur fond jaune. Cette combinaison sera reprise dans la construction d’une quarantaine de marchés couverts sur le même modèle à Paris et en France.
Le marché de Saint-Denis en est un exemple. Dans ce qui constitue depuis le style brique et fer, Alphand, ingénieur en chef des parcs sous Haussmann, fait construire des kiosques dans les parcs et jardins parisiens. A Pantin la serre Delizy s’apparente à ce type de construction. La construction de l’usine Menier à Noisiel par Jules Saulnier en 1871-72, constitue sans doute l’exemple le plus abouti du genre, avec un travail très élaboré de la polychromie de brique.
Les Expositions Universelles de 1878 et 1889 révèlent et renforcent l’intérêt pour la céramique.
La publication de Lacroux, La brique ordinaire, 1878 comporte 108 planches couleur montrant différents types d’appareil et de mise en œuvre ainsi que des modèles de plans d’immeubles, collèges, usines.
En 1878, l’entreprise Muller expose au Champs de Mars, des briques et tuiles ornementées, mais aussi chéneaux, faîtages, garnitures de rives de pignons? et autres motifs en terre cuite. Les panneaux décoratifs de la maison Loebnitz ornant les arcades du porche des Beaux-Arts ou la décoration du pavillon de l’Algérie (murs intérieurs et porte, Parvillée) signent le retour de la faïence murale à caractère monumental.
L’émergence de publications consacrées au sujet favorise nouveau style d’architecture, reposant sur un briquetage polychrome dans une variété de styles. Après les Entretiens sur l’architecture de Viollet-Le-Duc (1814-1879), Lacroux et C. Detain consacrent un ouvrage à la brique ordinaire (publié en deux parties en 1878 et 1886), suivi par la publication de Pierre Chabat, La brique et la terre cuite (1879).
D’un point de vue technique, la mise au point de la glaçure à cuisson unique par la société Doulton à Londres en 1888, permet le développement de la terre cuite émaillée, dont l’intérêt réside à la fois dans la palette des couleurs et dans la résistance du matériau à la pollution. La faïence et la brique émaillée remportent un grand succès (banques, cafés, stations de métro etc.), bientôt encouragé par l’Art Nouveau.
Un matériau emblématique de la banlieue industrielle
La banlieue industrielle du nord-est parisien, dans sa croissance au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, se couvre rapidement d’édifices en brique. Matériau emblématique de la révolution industrielle, de la mécanisation du travail, de la standardisation de la production, il marque sans surprise les premières productions de logement ouvrier et patronal, inspirées de l’architecture typée des corons ou des cités ouvrières britanniques.
Le nouveau matériau remplace bientôt le gypse dans la construction des premiers immeubles de rapport. Là où le gypse n’autorisait guère plus de trois étages, l’emploi de la brique permet aux immeubles de s’élever, sous l’effet de la crise du logement et de la spéculation immobilière. Utilisée comme matériau de remplissage, elle se déploie également en parement des façades, contribuant à faire naître les paysages caractéristiques des quartiers de faubourg, dans le prolongement de ceux situés à l’intérieur de l’enceinte fortifiée de Thiers.
La polychromie anime les façades d’immeubles, apparat de l’architecture modeste, parfois mise en œuvre avec virtuosité par les architectes résidant dans ces communes de banlieue.
L’architecture industrielle, rationnelle et utilitaire, généralise l’emploi de la brique de remplissage pour les grandes halles, que les structures soient en bois, en métal ou en béton, les exemples sont légion. L’usine Christofle en constitue aujourd’hui un des témoignages les plus anciens (1875), tandis qu’à la même époque, la pharmacie centrale construite par Jules Saulnier associe encore la construction en pierre à des décorations en brique.
Les façades austères et sobres des équipements publics de la IIIe République s’égayent à la fin du siècle de la couleur de ce matériau industriel. Par touches ou par compositions entières comme à l’asile d’aliénés de Maison-Blanche (pavillons Morin-Goustiaux, 1897-1900).
Enfin, la brique s’emploie volontiers dans l’architecture des maisons bourgeoises, dans la filiation noble du style brique et pierre, dont la place royale (place des Vosges) reste l’emblème par excellence.
Dans l’entre-deux-guerres, les équipements publics - écoles, dispensaires, hôpitaux, piscines etc. - sont un terrain de prédilection pour l’affichage de la brique en façade.
Moins chère que la pierre de taille, elle assure à moindre frais la réalisation de constructions durables, nécessitant peu d’entretien. Le matériau incarne à la fois les valeurs d’économie, d’hygiène et de qualité architecturale. La polychromie disparaît au profit de décors géométriques en relief ou par le jeu de l’appareillage? (motifs de vannerie, de redans etc.), sous l’influence du style art déco ou du style moderne. Elle n’apparaît que par touche, dans des grands panneaux composés de mosaïque.
Les briques de parement jointoyées en creux remplissent souvent une structure en béton armé. Le recours plus fréquent à la brique silico-calcaire - dont le premier emploi connu à Paris remonte aux toutes premières années du XXe siècle (30-31 bis, rue Orfila, René Dubuisson architecte) - confère aux façades plus de rigueur, de régularité, tandis que les coloris s’atténuent.
A Aulnay-sous-Bois ou Tremblay, la brique permet à l’architecte Chauvin d’associer le pittoresque d’un régionalisme? tempéré aux influences arts-déco dans la réalisation de plusieurs écoles.
Les chantiers du cardinal ont donné lieu à la réalisation d’un grand nombre d’églises de quartier, associant structure en béton et parement de brique, souvent très soigné comme à l’église Notre-Dame de Pontmain.
A La Courneuve le marché couvert, le conservatoire, les bains-douches constituent un maillage de petits édifices soignés, tandis que Pantin à la même époque est marquée par la réalisation d’édifices plus originaux comme la piscine associée à une usine des eaux (Charles Auray, 1937) ou le dispensaire d’hygiène sociale et goutte de lait dans le quartier des Quatre-Chemins.
Les cités-jardins construites par l’Office d’Habitation à Bon Marché de la Seine au début des années vingt usent volontiers de la brique d’argile pleine. Matériau élémentaire, la brique autorise la créativité, de l’ouvrier à l’architecte, qualifie le travail artisanal grâce à la variété de ses assemblages combinée à ses différentes formes, à sa polychromie naturelle ou produite par traitement. Sa mise en œuvre est naturellement propice au décor.
Avec le choix économique d’élever les constructions en hauteur, l’ossature en béton armé devient la technique la plus adaptée. Elle sera utilisée à Stains et Dugny-l’Eguiller. Pour autant, la brique reste le matériau de remplissage et de parement, objet de valeur ajoutée dans la mise oeuvre. L’ossature béton est encore peu montrée, exceptionnellement valorisée pour elle-même, elle est surtout utilisée pour ses qualités techniques, notamment pour des éléments ou ensembles soumis à des efforts de flexion (ex : linteau?, balcon, auvents...).
La brique demeure donc un matériau qualitatif de représentation, ceci explique pour une part la prolongation de son usage en parallèle d’expériences avec d’autres matériaux ou procédés techniques nouveaux. Elle assure la cohérence architecturale des grands projets réalisés en plusieurs phases. Le choix initial du matériau n’est pas remis en cause, à l’exemple des deux dernières phases de construction de la cité-jardin de Stains (1929-1933) et l’achèvement après-guerre de la maison commune ou encore au Pré-Saint-Gervais, où les collectifs en brique sont encore révélateurs de cet attrait prolongée pour la brique, « pierre de l’ouvrier ». Félix Dumail en renouvelle une esthétique qui s’épure dans le style années 30. Pourtant, la cité sera construite à une époque où les coûts de production, de la main d’œuvre, des matériaux poussent à reconsidérer l’ensemble du cadre de production du logement social. Sa situation exceptionnelle en milieu urbain dense, la proximité de Paris ont sans doute poussé à la prudence expérimentale et au choix de la valeur sûre de la brique.
Après 1945, la disparition de la céramique ?
Les réalisations en brique du début années 1950 se situent dans la continuité de celles des années 1930 - il s’agit bien souvent de terminer des chantiers engagés avant la guerre - mais avec une inflexion caractéristique de la période de la reconstruction se traduisant notamment par la simplification des volumes et le recours systématique aux encadrements de baies? en ciment. Il s’agit avant tout de programmes de logements, dont le besoin se fait cruellement sentir, pour n’en citer que trois : la cité du Monfort conçue par l’architecte Roland Boudier entre 1946 et 1952 pour l’office municipal d’HBM, dont c’est le premier chantier ; l’ensemble ceinture verte à Saint-Ouen formé de deux ensembles en briques (traditionnelle et Vaugirard), l’un hérité formellement de l’avant-guerre, l’autre (1958) d’inspiration anglaise ; ou encore l’immeuble de logement et poste de Roland Boudier terminé à Aubervilliers en 1957. Dans l’ensemble, la brique va tendre à disparaître des façades (tout en continuant à être utilisée sous forme parpaing de brique creuse), à l’exception des réalisations manifestes portées par l’Atelier d’urbanisme et d’Architecture.
Dénonçant le système de production de masse et l’appauvrissement formel qui en découle, ce collectif d’architectes se distingue notamment par l’association d’une architecture brutaliste et d’une grande recherche dans la mise en œuvre des matériaux. Deux réalisations pantinoises mettent ainsi à l’honneur la céramique : un ensemble de logement et poste, rue Formagne (Chemetov et Deroche, 1963) où deux types de briques diversement mises en œuvres dialoguent avec le bois, le verre, le béton brut, gravillonné ou peint. Une fresque de céramique de Paul Foujino y orne l’entrée principale ; les HLM de l’îlot 27, où la brique de parement tapisse la monumentalité de la composition qui fait front au périphérique à la porte de Pantin.
Moins utilisée, la brique est devenue de nos jours un produit cher à mettre en œuvre, pour laquelle les savoir-faire manquent. La plaquette collée, ne permet pas de restituer ce qui fait la richesse d’un appareillage de brique. On assiste pourtant à un renouveau depuis les années 1990 : les réalisations de Renzo Piano et celles de ses émules, utilisant un parement en céramique à la croisée entre la brique et le carreau, ont lancé une nouvelle mode, qui faisant le tour des grandes villes européennes s’est aussi introduit en banlieue. Elles marquent notamment les nouvelles constructions des Entrepôts et magasins généraux à Aubervilliers et Saint-Denis, une fois encore, le long du périphérique.
Mieux connaître l’emploi de la céramique dans l’architecture en Seine-Saint-Denis
Depuis 1993, des travaux ont été réalisés par plusieurs associations d’histoire locale afin de mieux connaître ce patrimoine chatoyant. L’association Bondy-son-Chêne et ses racines présente ici quelques images de son inventaire des céramiques polychromes.
« Terre cuite, émaillée ou non, faïence, grès... l’époque d’engouement pour les céramiques polychromes ornant les façades de nos maisons s’étend des années 1880 aux années 1930, avec une forte effervescence pendant la période Art Nouveau. On prône alors l’Art dans tout et l’Art pour tous : de la demeure bourgeoise à la villa plus modeste, les murs prennent des couleurs.
Sensible à son petit patrimoine, l’association historique Bondy, son Chêne et ses Racines s’est intéressée à ces décors ; et de rues en avenues, la découverte s’est étendue aux villes voisines.
Très vite, la curiosité d’identifier les auteurs de ces décors, d’en savoir plus sur le matériau, la fabrication et les céramistes mènent à la recherche des catalogues de fabricants, consultables dans les musées, les bibliothèques spécialisées et les associations.
Les images suivantes montrent une toute petite partie de nos décors séquanodyonisiens, juste pour vous donner l’envie d’arpenter nos villes avec... un regard nouveau ! »
Tuilerie de Choisy-le-Roi : rinceaux, palmettes et coquilles
Tuilerie de Choisy-le-Roi ; les fleurs de Gilardoni, fin XIXe siècle
Les fleurs de Gilardoni :