« Plus tard, je serai archéologue ! » Avec... Caroline Peschaux

« Plus tard, je serai archéologue ! » Avec... Caroline Peschaux

6 juillet 2022 , par Fabien Houy

« Plus tard, je serais archéologue ! » Avec vétérinaire et astronaute, le métier d’archéologue est souvent parmi les métiers de rêve des enfants. Caroline Peschaux, archéologue spécialisée dans les parures corporelles préhistoriques, nous raconte son métier.
Caroline Peschaux, lors des rencontres "Adopte un·e chercheur·se" à l’archéosite de la Haute-Île

Chapeau de cow-boy vissé sur la tête, chemise de flanelle pour la tenue légère, l’image d’Epinal de l’archéologue nous renvoie aisément à la figure d’Indiana Jones, courant le monde à la recherche d’artefacts? d’exceptions.

Bien loin de Hollywood, mais très proche de la Seine Saint-Denis, des archéologues (des vrais·es !) exercent leur métier pour exhumer et tenter de comprendre l’Histoire et la Préhistoire humaine de l’Île-de-France et de l’Europe occidentale. C’est le cas de Caroline Peschaux, qui s’est spécialisée dans l’étude des parures corporelles préhistoriques, qui nous raconte aujourd’hui son histoire.

“ J’ai toujours voulu être archéologue. Tout de suite après le bac, j’ai fait des études d’Archéologie, à l’Université de Paris-Sorbonne et je me suis intéressée à la Préhistoire. Un peu par hasard, le premier chantier de fouilles auquel j’ai participé était un site préhistorique. Ça m’a tout de suite passionnée ! Après ça, je me suis spécialisée dans l’étude des productions osseuses et minérales, avec un intérêt particulier pour les objets de parures préhistoriques.”

A la recherche des parures perdues...

Il est vrai que nous n’y pensons pas quand nous les avons sur nous, mais les bijoux que nous portons aujourd’hui, les colliers, les boucles d’oreilles et autres bracelets sont les fruits d’une longue histoire remontant même bien avant le début de celle-ci, à la Préhistoire. “Les plus anciennes parures que l’on a retrouvées datent d’environ 150 000 ans, sur des sites du continent africain que l’on attribue uniquement à l’humanité moderne, à savoir Homo sapiens.”, nous apprend Caroline Peschaux.

Les bijoux et parures actuels sont généralement fabriqués en métaux et en pierre taillées ou polies finement. Les périodes et parures étudiées par la chercheuse sont cependant bien antérieures au début de la maitrise des métaux ! “Mes recherches portent sur des populations de chasseurs/chasseuses cueilleurs/cueilleuses de l’ère glaciaire d’Europe occidentale et particulièrement sur le territoire couvert aujourd’hui par la France, les derniers et dernières ayant vécu entre – 40 000 et – 10 000 ans.” nous dit-elle. Mais alors dans ce cas, à quoi ressemblaient ces parures préhistoriques ?

Les objets et les parures préhistoriques sont des coquillages, des dents percées, des perles en os de renne et en ivoire de mammouth, etc. Dans le Bassin parisien, beaucoup de parures viennent d’une ressource trouvée localement, à savoir les coquillages fossiles, témoins des anciennes mers et océans qui ont couvert un jour le Bassin parisien. L’humanité préhistorique a beaucoup utilisé cette ressource régionale pour fabriquer des bijoux, dès le début du Paléolithique supérieur (-40 000 ans). Ces coquillages fossiles sont continuellement utilisés jusqu’à la fin de la Préhistoire.

Aujourd’hui, les parures corporelles revêtent souvent une importance esthétique. Nous les portons, car nous trouvons cela beau. Mais à la Préhistoire, les parures corporelles peuvent avoir bien d’autres significations selon Caroline Peschaux :

“On sait que les parures ont plusieurs sens. Elles n’ont pas qu’une vocation esthétique, mais vont avoir un rôle important dans les aspects sociaux. L’objet porté sur le corps va pouvoir renseigner sur l’identité du porteur ou de la porteuse. Par exemple, suivant que l’on soit un homme ou une femme, on ne va pas porter exactement les mêmes parures, pareil suivant le niveau de richesse. Ces objets peuvent aussi être utilisés dans des rituels religieux ou de médecine.”

Les coquillages étaient des ressources couramment utilisées pour la confection des parures durant la Préhistoire.
  • Les coquillages pouvaient être percés grâce à des perçoirs en silex...
  • ... ou encore par abrasion sur une pierre.
Une fois percés, les coquillages sont prêts à être assemblés en parure !




A la question, « Sommes-nous seuls dans l’Univers ? », une des réponses pourrait être que nous n’avons pas été seuls sur Terre. L’humanité moderne, Homo Sapiens, n’est pas la seule humanité ayant existé. Homo neanderthalensis, l’Homme (et Femme !) de Néandertal, était une autre humanité qui pendant une certaine période a cohabité avec Homo sapiens. Cette autre humanité partageait-elle notre goût pour les parures corporelles ?

“Chez Néandertal, on peut retrouver des indices de l’emploi des plumes, de griffes de rapaces ou encore l’utilisation de colorants. Cependant, dans le cas de Néandertal, nous ne sommes pas sûrs que ce soit lié à la parure. Il y avait certainement une recherche esthétique chez d’autres humanités, mais pour l’instant, nous n’en avons pas la certitude absolue. Il y avait peut-être aussi d’autres façons de se parer. Si Néandertal a surtout utilisé des plumes et du maquillage par exemple, ce sont des pratiques qui ne laissent malheureusement que peu de traces car ces matières ne sont pas conservées.”

L’image du travail de l’archéologue est une image déformée de la réalité. Les découvertes sensationnelles ne sont pas le quotidien du chercheur ou de la chercheuse. En revanche, impossible de s’ennuyer tant il y a à faire ! “Nos activités peuvent être très variées. Il y a bien sûr toute la partie fouilles, mais il y a aussi tout le travail en laboratoire, qui consiste à étudier les objets découvertes lors des fouilles. Pour ma part, je passe beaucoup de temps sur le microscope, les objets de parures étant souvent de tailles millimétriques.” nous raconte l’archéologue.

De très très anciennes tombes découvertes dans le parc de la Haute-Île

Cependant, les découvertes exceptionnelles existent et, pour un instant, l’image d’Epinal colle à la réalité. Ce fut le cas pour Caroline, sur le site de la Haute-Île, où furent mises au jour des sépultures datant de la période du Mésolithique. “La pratique de la sépulture ne se développe pas beaucoup durant le Paléolithique mais se développe au cours du Mésolithique. Donc, de trouver ces tombes datant de 7 000 ans, c’était très touchant, très particulier, très surprenant.

Les restes humains, en tant que vestiges du passé, revêtent tout de même une signification particulière, provoquant un instant de flottement dans le chantier de fouille.

“C’est toujours une émotion extraordinaire. Dans ces découvertes, ce sont souvent les crânes que l’on découvre en premier, et il y a longtemps une incertitude sur la nature de ce crâne. Est-ce que c’est vraiment un crâne humain ? Est-ce que c’est autre chose ? Et ce n’est que lorsque le crâne est entièrement dégagé que l’on est finalement sûr. Quand ça arrive, nous sommes tous et toutes très excité.es ! Tout le monde arrête ce qu’il ou elle est en train de faire et tout le monde regarde le dégagement.”
  • Le crâne est souvent la partie qui affleure en premier lors de fouilles...
    Sépultures mésolithiques du site de la Haute-Île
  • ... ce n’est qu’après que le reste de la dépouille apparaît.

Ces moments, à nuls autres pareils, valent bien quelques déboires de temps en temps. Le travail de fouille de l’archéologue se faisant en plein air, les éléments peuvent parfois venir jouer les troubles fêtes comme nous le raconte Caroline Peschaux : “J’ai notamment le souvenir de fouilles dans les Ardennes, à – 10 degrés, à essayer de fouiller le sol alors qu’il est complètement gelé. C’était impossible. On a eu aussi droit au coup de vent qui embarque la tente qui est au- dessus du chantier, et qu’il a fallu récupérer à l’autre bout du champ au milieu des moutons… 

La recherche du passé vaut bien quelques tours du présent…

Craches (dents) de cerfs utilisées comme parures.

Profil de Caroline Peschaux