Suite au décret du 10 juillet 1906 instaurant la création d’un service public de désinfection, le conseil général de la Seine et la préfecture de Police de Paris, toutes deux compétentes en la matière, ouvrent un poste de désinfection sur chacune des six circonscriptions de banlieue (Puteaux, Asnières-sur-Seine, Champigny, Montrouge, Saint-Denis et Pantin). En plus de recevoir les matériels et personnels effectuant des interventions de désinfection au domicile des personnes affectées ou décédées des suites d’une maladie infectieuse (choléra, peste, typhus, variole, méningite ...), ces postes traitent les divers effets du malade (vêtements, literie, tapis, petits objets...) par leur passage en étuves à vapeur. Seuls outils jugés efficaces pour détruire les germes pathogènes et ainsi lutter contre la propagation des épidémies, ces installations deviennent insuffisantes ou inadaptées à mesure que la population augmente et qu’enfle le nombre de maladies à désinfection obligatoire (23 en 1916). Au milieu des années 1920 une campagne de modernisation est alors entreprise, aboutissant notamment à la construction en 1935 d’un nouveau poste à Romainville en remplacement de celui de Pantin. Pour l’Administration il s’agît de disposer d’un équipement suffisamment performant pour répondre aux besoins des treize communes de la circonscription sanitaire. Sa conception doit naturellement répondre aux prescriptions émises par la Conseil d’hygiène pour ce type de programme? mais aussi, plus tacitement, exprimer les ambitions du Département en matière de santé publique : en substance, une architecture hygiéniste et moderne.
Le projet est confié à Henri Viet (1872-1960), dont l’expérience en tant qu’ancien architecte communal de Romainville, auteur de plusieurs équipements de santé (sanatorium à Ris-Orangis, hôpital-hospice à Montigny-le-Roi...) et expert auprès des tribunaux de la Seine - fonction qu’il occupe en plus de son mandat de maire du 11e arrondissement de Paris - laisse présager d’une bonne compréhension des enjeux de l’opération et des soutiens nécessaires pour son exécution.
Romainville ; Poste de désinfection, actuellement locaux administratifs - Plan? de localisation des bâtiments
La fonction des espaces et leur emplacement sur le site provient également du règlement de 1907. En dehors de la salle des étuves (A), le poste doit comprendre des vestiaires pour le personnel de désinfection (B), un dépôt extérieur de combustible (C), une remise pour automobile (D), un bureau situé près de l’entrée pour le chef mécanicien (E) ainsi qu’un logement pour le chef de poste (F), autant d’espaces que l’on retrouve fidèlement aménagés à Romainville.
Suivant le règlement établi pour l’édification des postes de désinfection, le programme proposé par Henri Viet comprend tous les espaces requis pour l’organisation du service et les besoins de son personnel : une salle pour les étuves à vapeur (A), un vestiaire pour les agents (B), un dépôt extérieur de combustible (C), une remise pour les automobiles transportant les affaires à désinfecter (D), un atelier pour le mécanicien (E) et un bâtiment de bureaux et logement pour le chef de poste (F). De la même manière, les aménagements intérieurs sont guidés par les prescriptions réglementaires : les murs sont recouverts d’une peinture vernissée facilement lavable, les angles sont arrondis pour en faciliter le nettoyage, et le sol est dallé de ciment pour permettre le lavage à grandes eaux. L’éclairage et l’aération naturels des locaux comptent parmi les autres points essentiels de ce programme hygiéniste justifiant l’importance des surfaces vitrées parcourant les façades des bâtiments et certains cloisonnements intérieurs. Quant à l’aération, celle-ci est principalement fournie par deux lanterneaux placés sur le toit du bâtiment des étuves et séparés des appareils de désinfection par un plafond en pavés de verre partiellement évidés. Un système astucieux et esthétique qui favorise la circulation de l’air, accélère le séchage et diffuse une lumière indirecte plus douce. Pièce majeure de la désinfection, la salle des étuves présente d’autres aménagements directement induits par les spécificités de sa fonction. L’usage des étuves à double porte en a orienté la disposition des espaces et de leurs volumes. Afin d’éviter toute contamination, le bâtiment est ainsi divisé en deux espaces hermétiquement séparés par un mur épais. D’un côté se trouve le tri des effets infectés et chargés à une extrémité de l’étuve, de l’autre, le déchargement des effets désinfectés sortis par la seconde extrémité. C’est également dans ce deuxième compartiment que les linges et affaires sont mis à sécher sur de simples étendoirs. Enfin, en vue de faciliter la dilution des vapeurs dans l’air contenu dans la salle, son volume est porté à 23,75 m de longueur, 14,75 m de largeur et 5 m de hauteur, des dimensions supérieures à celles prescrites par le règlement (20 x 10 x 3,60 m).
En dépit de leur efficacité et de leurs indéniables vertus hygiénistes?, ces aménagements et appareils ne suffisent à eux-seuls à illustrer le renouvellement de la politique de salubrité publique du Département. Déjà appliqués et utilisés dans les postes de désinfection de première génération et dans les hôpitaux pour ce qui concerne les étuves Geneste et Herscher, ils révèlent surtout l’existence d’importantes permanences dans les domaines médical, sanitaire et technique depuis la fin du XIXe siècle. Aussi, c’est par la composition spatiale du site et l’architecture que se diffuse le message de modernité.
A l’inverse des premiers postes, la répartition des espaces autour de la cour s’avère parfaitement rationnelle et lisible, chaque bâtiment se distinguant du plan?. L’ensemble reste cependant homogène et cohérent. Toutes les constructions sont élevées en béton armé? et non plus en métal ou en bois. Elles présentent une même ligne épurée de volumes géométriques coiffés de toit terrasse?. Les façades sont toutes recouvertes d’un parement? de briques à joints creux au-dessus d’un soubassement? en mignonnettes. La disposition et la forme des percements y créent un rythme et des effets de symétrie. Des bandeaux, encadrements de baies? et de portes, meneaux? et corniches de ciment blanc accentuent cette composition et valorisent le dessin de l’ensemble. Les menuiseries métalliques des baies quadrillées et celles des portes d’entrée en hublots ajoutent de la cohérence et une touche de modernité supplémentaire, que relève encore l’inscription stylisée en lettre d’acier : "Désinfection - service départemental". Une modernité toutefois tempérée qui s’inscrit dans la production architecturale des années 1930 jusqu’aux années 1950, y compris celle des équipements publics qui parsèment Paris et la banlieue dont Romainville (Chapelle Sainte-Solange, école Danielle Casanova).
Le transfert du poste au conseil général de la Seine-Saint-Denis en 1964 s’accompagne d’une évolution progressive de ses fonctions que conforte la généralisation de la vaccination comme moyen de lutte contre les maladies infectieuses. Le service de désinfection intègre des activités de désinsectisation puis celles de la médecine préventive. Au début des années 2000, le site est converti en lieu de stockage des produits destinés aux centres médicaux du Département, ainsi qu’à leurs déchets, fonction qu’il conserve jusqu’à sa fermeture en 2012. Les locaux sont depuis occupés par divers services du Conseil départemental qui en ont préservé les espaces et équipements d’origine à l’exception de la cheminée disparue de plus longue date.
Date de construction
1936
Date de rédaction
2014; 2020
Date de découverte ou d'enquête
2013
Destination successive
locaux admnistratifs
Source
AD 93 : DO3 70 ; 1899W1. Archives de Paris : VM52 2
Auteur
Henri Viet (architecte)
Maitre d'ouvrage
Conseil général de la Seine; Préfecture de police de Paris
Inventaire mobilier
étuves de désinfection; chaudière à vapeur
Parties constituantes
salle des étuves (A); vestiaire (B); dépôt de combustible (C); remise automobile (D); bureaux (E); logement (F)