Théâtre Gérard Philipe, 59 boulevard Jules Guesde
Théâtre Gérard Philipe
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Implantée à l’articulation entre les boulevards Carnot et Jules Guesde, l’ancienne salle des fêtes, actuellement théâtre Gérard Philipe, a été réalisée par l’architecte Albert Richter en 1901 pour répondre à un manque d’équipement culturel et de divertissement. L’ensemble était conçu dès son origine avec deux autres équipements : un gymnase et une salle des pompiers, flanqués de chaque côté du théâtre.
À la fin du XIXe siècle, le nombre de salles de spectacle a quadruplé dans Paris intramuros, passant de 36 en 1860 à plus de 122 en 1900. Parmi les plus célèbres, en 1862, ouvrent les théâtres du Châtelet, de l’architecte G. Davioud, et de la Gaîté Lyrique. Le goût du spectacle et des divertissements est partagé également dans les quartiers populaires de la banlieue. À Saint-Denis, les élus municipaux, conscients du caractère social et culturel d’un tel équipement « qui pourra être profitable à la classe ouvrière du point de vue de l’éducation », décident, en juillet 1899, la construction d’un complexe comprenant une salle des fêtes, un bâtiment pour les pompiers et un gymnase.
La réalisation de l’ensemble est confiée à l’architecte Albert Richter (1853-1916). Aligné sur l’ancien cours Benoist, devenu par la suite cours Châteaudun, et face à la place Carnot, le terrain choisi par la municipalité comprenait la propriété de M. Charles et celle des époux Inghelaire, ainsi que l’ancien gymnase municipal, représentant au total une superficie de 1 935 m² (1 223,60 m² pour le théâtre, 388,80 m² pour le bâtiment des pompiers et 322,60 m² pour le gymnase). Conçu en adéquation avec l’ancien square Robespierre qui lui fait face ainsi que le front bâti nord du boulevard Carnot, le théâtre termine la perspective de ce dernier.
Le gymnase marque la transition avec le groupe scolaire Jules Guesde terminé en 1878 et la salle des pompiers en retrait ferme l’îlot au nord et est devancée par un square qui abritait d’antan un vestige de Montjoie, monticule de pierres placé au bord des chemins destiné à célébrer un événement important.
Les trois bâtiments avaient tous une entrée indépendante qui donnait sur le boulevard, mais ils étaient reliés entre eux par des portes latérales. S’inspirant des modèles de la Belle-Époque, Richter décide de concevoir un projet architectural qui s’inscrit dans un ensemble urbain de qualité proche des canons haussmanniens. L’effet de monumentalité de la façade est renforcé par un haut soubassement? permettant d’accueillir un escalier d’honneur, entouré à l’origine d’une grille de clôture aujourd’hui disparue. L’aile centrale de plan? rectangulaire est flanquée de deux ailes plus basses, conçues comme de petits avant-corps. Facilement identifiable avec ses deux tourelles à toit bombé, l’édifice en pierre de taille s’élève sur deux niveaux et offre une ordonnance classique. L’ouverture des baies? est régulière : trois portes fenêtres en arc surbaissé perceptible sur le premier niveau qui se distingue du second par des parements à refends ; le niveau supérieur se singularise par de grandes fenêtres à meneaux?, devancées chacune par un balcon à balustres de pierre. Les deux pilastres perceptibles sur les trumeaux des baies centrales sont couronnés chacun par deux motifs de cuir qui ne sont pas sans faire écho aux deux armoiries de la ville en haut-relief sur les corniches de couronnement? de chaque avant-corps.
Si la nécessité d’avoir à Saint-Denis une salle des fêtes fait l’unanimité auprès des conseillers municipaux à la fin du XIXe siècle, son mode de gestion suscite, en revanche, des débats houleux au sein du conseil. S’opposent en effet les partisans d’un contrat d’affermage pour remettre la gestion du théâtre à des concessionnaires et ceux clamant l’idée que la Commune de Saint-Denis doit gérer seule la salle pour en disposer librement. Salle de conférences, salle des fêtes, théâtre : autant de dénominations qui manifestent la future polyvalence du bâtiment. Finalement, après avoir reçu une proposition des Frères Autier, régisseurs du théâtre Antoine à Paris, ce sont MM. Hartmann et Henri-Julien Boulanger dit Larochelle, gestionnaires des théâtres Montparnasse, Grenelle et des Gobelins, qui signent un bail de douze ans avec la municipalité de Saint-Denis. Moyennant une location forfaitaire de 2 000 francs pour les six premières années, puis 4 000 francs pour les suivantes, les concessionnaires doivent organiser des représentations trois fois par semaine, de septembre à avril, les samedis, dimanches et lundis. La Ville, quant à elle, se réserve le droit d’utiliser la salle gratuitement et de la mettre à disposition des sociétés qu’elle subventionne, comme l’association philotechnique, la ligue de l’enseignement, … Seuls les cafés-concerts et les débats politiques sont proscrits. Malgré tout, le théâtre se transforme parfois en tribune politique, comme en 1936, quand Jacques Doriot y justifie la création du parti fasciste, le PPF.
Baptisé en 1960, « théâtre Gérard Philipe », en hommage à l’acteur décédé un an auparavant, l’édifice est dédié depuis principalement à l’art théâtral. D’après les plans de Serge Lana, il est totalement remanié entre 1965 et 1968 et devient, le 1er janvier 1983, Centre dramatique national. Quant à la salle des pompiers, elle est transformée en 1977 pour créer la salle Jean-Marie Serreau. Le gymnase, aménagé en 1982 en cinéma, est devenu aujourd’hui une annexe du théâtre.
Sources
Archives municipales de Saint-Denis : 4M132 théâtre, salle des fêtes ; 1D1 044 8 mars 1895 projet de construction d’un théâtre ; 1D1045 15 janvier 1897 construction d’une salle des fêtes ; 1D1049 25 juillet 1899 projet de traité d’affermage avec M. Autier ; 1D051 juin 1907 projet d’affermage ; 93ACW12
Carte postale AMSD
AMSD 2Fi14/168 Panorama pris du boulevard Carnot ( vue sur le théâtre, l’école et l’église)
AMSD 2Fi14/168 Saint-Denis, boulevard Carnot, Le Deley Editeur, 1913 ( vue du théâtre avec le square)
AMSD 2Fi14/44 Saint-Denis, salle des fêtes, CP colorée ( vue du théâtre avec clôture)
Photographies noir et blanc
AMSD 2Fi12/34 théâtre Gérard Philippe, établissement culturel, intérieur du théâtre municipal
AMSD 16Fi515 théâtre Gérard Philippe, travaux de construction fin XIXe et début XXe siècle
AMSD 13Fi517 théâtre Gérard Philippe, travaux de construction fin XIXe et début XXe siècle
AMSD 13Fi518 théâtre Gérard Philippe, travaux de construction fin XIXe et début XXe siècle
AMSD 13Fi519 théâtre Gérard Philippe, travaux de construction fin XIXe et début XXe siècle
AMSD 13Fi3043 paysage urbain en 1947, travaux de voirie boulevard Jules Guesde, pavement de la rue
Illustrations
SAINT-DENIS ; THÉÂTRE GÉRARD PHILIPPE, 59 BOULEVARD JULES GUESDE - VUE GÉNÉRALE DE LA FAÇADE
Crédits | Jacques Mangin |
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Dimensions | 604 × 430 pixels |
Résolution | 0.3 Mpx |
Poids | 65.5 kio |
Date | 30 décembre 2022 |
Fichier | no246p_2__vign.jpg |
SAINT-DENIS ; THÉÂTRE GÉRARD PHILIPPE, 59 BOULEVARD JULES GUESDE - VUE GÉNÉRALE DE LA FAÇADE DEPUIS LE SQUARE ROBESPIERRE
Crédits | CG 93 |
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Dimensions | 2816 × 2112 pixels |
Résolution | 5.9 Mpx |
Poids | 1.9 Mio |
Date | 30 décembre 2022 |
Fichier | tgpc.jpg |
SAINT-DENIS ; THÉÂTRE GÉRARD PHILIPPE, 59 BOULEVARD JULES GUESDE - VUE GÉNÉRALE DE LA FAÇADE DEPUIS LA RUE GASTON PHILIPPE
Crédits | CG 93 |
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Dimensions | 2816 × 2112 pixels |
Résolution | 5.9 Mpx |
Poids | 2.2 Mio |
Date | 30 décembre 2022 |
Fichier | tgpa.jpg |