Saint-Denis et les Instituts Universitaires de Technologie
Avant même l’implantation de l’université Paris VIII à Saint-Denis, la ville compte dès la fin des années 1970 deux Instituts Universitaires de Technologie, établissements créés par le plan? Fouchet (1) (décret du 7 janvier 1966) visant à favoriser l’essor de l’enseignement technique. Rattachés à l’université Paris XIII alors en cours de construction, le premier IUT, qui remonte à 1968-1969, est situé au nord de la ville, avenue de Stalingrad, sur un terrain pour partie occupé par un collège technique. Il est édifié par Jean Balladur et son associé Jean-Bernard Tostivint. Le second, de 1970, est décidé en lieu et place de l’ancienne Caserne des Suisses après démolition de celle-ci et cession du terrain du ministère de la Défense à celui de l’Éducation nationale. Cet IUT accueillit provisoirement les étudiants de premier cycle de l’université Paris XIII (2) et en 1969 la ville accéda au statut de ville universitaire avec la création par décret du 29 septembre du centre universitaire des sciences et des techniques de Saint-Denis-Villetaneuse(3).
A la fin des années 1970, l’implantation de l’université Paris VIII à Saint-Denis à la suite de son déménagement de Vincennes marque pour cette ville un tournant. Celle-ci est implantée à l’extrémité nord du territoire communal sur un terrain occupé alors par le premier IUT. Ce dernier est à cette occasion démoli et seul est conservé le pavillon? de deux logements de fonction construit en 1968 en ossature? métallique selon le procédé Fillod.
L’implantation de l’université de « Vincennes » au nord de la ville de Saint-Denis
Créé en 1968 par le ministre de l’Éducation nationale Edgar Faure et implanté sur des terrains du bois de Vincennes, le centre expérimental de Vincennes occupait des bâtiments préfabriqués construits par l’entreprise « Geep industrie » dirigée par Paul Chaslin. A partir de 1976, ce site est remis en question et l’université sommée de quitter les lieux. Le 4 juillet 1978 est rendu public le choix du site de l’IUT de l’avenue de Stalingrad. Bien que confirmé officiellement le 3 août, ce choix est désapprouvé par les principaux acteurs concernés : l’université Paris VIII en premier lieu, qui s’oppose notamment à cet emplacement situé l’extrémité nord de la ville Saint-Denis à proximité de l’autoroute A1 et dont la station de métro la plus proche est à presque à 2 km de là. L’université Paris XIII évoque quant à elle l’inutilité d’installer une autre université à seulement 2 km de la sienne alors que l’Est parisien en est encore dépourvu. Enfin, pour la Ville de Saint-Denis, un différend subsiste avec le ministère de l’Éducation nationale concernant la rétrocession gratuite de l’excédent de terrains non utilisés en 1968 après la construction de l’IUT pour Paris XIII, offerts par la Ville en 1951.
Malgré cela, le permis de démolir de l’ancien IUT est accordé en novembre 1978 et la rentrée scolaire a lieu en septembre 1980. Représentant 38 000 m² de plancher dont 4 000m² pour l’administration, les locaux sont disposés sur la partie sud de l’actuel campus, celle au nord comportant à l’époque des terrains de sports. Les nouveaux bâtiments sont disposés de façon continue autour d’une cour centrale et communiquent par des couloirs. Ils sont répartis par plots allant de A à F conçus par J. Royer et réalisés selon un des procédés constructifs retenu par le ministère de l’Éducation nationale : le procédé Ballot. Mis en œuvre par la Société des entreprises Léon Ballot, ce procédé se caractérise par une trame? de base de 7,20 m x 7, 20 m, des planchers champignons en béton armé?, coulés sur tables de coffrages mobiles sur lesquels reposent des plateaux de 3m x 7,20m. Ce procédé contraint le nombre de niveaux préfabriqués, limité à cinq, les planchers supportant mal la présence de trémies importantes et oblige à rejeter à l’extérieur des plateaux les cages d’escaliers. Les façades, accrochées à l’ossature avec une allège? filante préfabriquée, sont habillées de grès de Saintonge qui imite la brique et tente d’apporter une touche colorée, l’architecte déclare s’être « efforcé d’intégrer la décoration dans le mouvement général de la construction et dans la vie de tous les jours » (4) en apportant de la couleur à l’intérieur du bâtiment. Dès sa mise en service, la journaliste Ruth Elkief ne manque pas de souligner dans son article paru dans Le Monde du 23 août 1980 l’exiguïté des locaux car prévus pour 9 000 étudiants alors que l’université en compte 32 000. Pendant les années 1980, l’université n’aura de cesse de demander de nouveaux locaux complétés un temps par quelques Algecos.
Quelle université pour demain ?
Alors qu’en 1988 dans le cadre du Schéma Université 2000, l’urbaniste Michel Cantal-Dupart se voit confier par Lionel Jospin une mission d’étude, un an plus tard, à l’initiative de la présidente de l’université Paris VIII Francine Demichel, est organisé un colloque intitulé « Quelle université pour demain ? ». Ce colloque est complété par la publication d’un ouvrage intitulé « Réflexion sur la programmation universitaire ». Des besoins en locaux identifiés et validés par le Conseil d’administration de l’université quelques mois après le colloque, il ressort qu’à l’horizon de l’an 2000, l’université se verra dotée de 30 000 m² de locaux supplémentaires dont 15 000 m² pour une nouvelle bibliothèque.
L’Etat va compléter le schéma Université 2000 en lançant deux actions nationales. La première, sous forme de concours d’idée : le Plan Architecture Nouvelle (PAN) (5) et la seconde qui s’adresse à chacune des universités pour qu’elles établissent un schéma directeur de leurs futures implantations. Pour l’université Paris VIII, ce schéma fut confié à Guy Naizot l’architecte coordinateur de l’opération Saint-Denis-Basilique avec pour objectif principal de "construire une ville universitaire, que le campus soit relié et que ce soit une ville, que l’université soit une ville et la ville une université » (6). Le rapport qu’il rend en 1991 a deux objectifs : d’une part, rapprocher l’université de la ville et d’autre part, trouver le moyen de ne pas couper l’université en deux. Car la situation en 1991 est la suivante : l’université est située à 1,8 km du centre ville et elle est construite sur deux terrains séparés par l’avenue de Stalingrad et du reste de la ville par l’avenue Lénine. Ce deuxième objectif se traduira par la nécessité de créer des passages au dessus de l’avenue de Stalingrad, passages qui seront repris quelques années plus tard au sein de la bibliothèque universitaire.
Le développement de l’université
Sur les 30 000 m² de locaux supplémentaires prévus, plus de 27 000 m² sont, en 1998, déjà réalisés. Aux Algecos succéderont à partir des années 1988 de nouveaux bâtiments, tout d’abord sur la partie sud du campus avec la mise en service de l’amphithéâtre L. en 1990, puis de la passerelle ouest, au dessus de l’avenue de Stalingrad en 1993, qui permet d’investir la partie nord, dont les terrains, propriété du Département de la Seine-Saint-Denis, avaient été donnés à l’université en 1987. Dominique Montassut, maître d’œuvre de la passerelle, réalisera également les bâtiments N (cafeteria et enseignement), H et H’ (enseignement), contribuant ainsi à apporter une certaine homogénéité à ce paysage urbain discontinu. Les deux premiers bâtiments sont le résultat de concours selon la procédure "conception-réalisation" qui consiste à associer dans le même concours, maître d’œuvre et entrepreneur, le choix de cette procédure ayant été guidé par l’urgence.
Parallèlement aux constructions de nouveaux bâtiments, l’université de Paris VIII a mis en œuvre un certain nombre d’opérations en vue d’améliorer les équipements des anciens bâtiments. En 1992, Paris VIII fait partie des six universités à bénéficier de l’ « opération Campus » qui vise à transformer la qualité des espaces universitaires pour améliorer la qualité de vie et de travail. Trois chantiers sont mis en œuvre dans ce cadre : la construction de la passerelle ouest par les architectes Montassut et Trilles pour relier les deux parties du campus séparé par l’avenue Staline, l’aménagement des espaces extérieurs (tracés et plantations) et la réhabilitation du grand hall par l’Atelier Canal.
A partir des années 2000, de nouveaux bâtiments viennent compléter le campus. C’est notamment le cas de l’élégant bâtiment D en panneaux de verre translucide en 2006, du bâtiment regroupant le restaurant universitaire et des logements en 2008 (Jean-François Schmit, architecte) et enfin de la « maison des étudiants » de forme ronde et recouverte de treillis de métal argenté en 2010. Alors que le campus s’enrichit de bâtiments de qualité, le paysage alentour se densifie avec la construction d’une résidence étudiante et d’un parking de l’Atelier de Midi en 2001 et des Archives nationales de l’architecte Massimiliano Fuksas en 2013.
La mise en service de la station de métro en 1998 et les aménagements du terminal de bus ont profondément modifié ainsi son rapport avec la ville de Saint-Denis, les villes limitrophes et avec Paris.
Notes de bas de page :
1 - Christian Fouchet est ministre de l’Éducation nationale de 1962 à 1967.
2 - Ils y resteront jusqu’en 1974, date de leur emménagement dans les nouveaux locaux de l’université Paris XIII à Villetaneuse.
3 - Concernant l’histoire de l’université de Villateneuse (implantation, architecture..) voir J. Girault, J.-C. Lescure, L. Vadelorge (ss la dir. de), Paris XIII, histoire d’une université en banlieue (1970-2010), Berg International éditeurs, 2012.
4 - Ruth Elkrief, Le déménagement de Paris VIII se termine, « Vincennes à Saint-Denis : un habit trop étroit », Le Monde du 23 aout 1980
5 - Le Plan Architecture Nouvelle vise, par le biais d’un concours architectural (avec la mise en place d’un jury habilité en matière d’urbanisme), à améliorer la qualité des bâtiments universitaires et leur insertion dans la ville. L’université Paris VIII fait partie des 21 sites proposés. La problématique énoncée pour les candidats stipule que « pour inscrire l’université dans le tissu social et urbain de Saint-Denis, l’extension envisagée (30.000 m²) doit être l’occasion de s’orienter vers la création d’un quartier universitaire et d’offrir un cadre bâti fondé sur de nouveaux besoins et sur le projet pédagogique de l’université ».
6 - Naizot Guy, Journées de rencontre des maîtres d’œuvre d’urbanisme universitaire, Université Paris VIII, 21 juin 1991, p.12.
Date de construction
1979-2010
Organisme
Service du patrimoine culturel
Date de découverte ou d'enquête
1998
Auteur
Riboulet Pierre (architecte de la bibliothèque universitaire) ; Royer. J., (architecte des premiers bâtiments de l’université) ; Naizot Guy (architecte) ; Baladur Jean (architecte de l’ancien IUT) ; Tostivint Jean-Bernard (architecte de l’ancien IUT) ; Montassut Dominique (architecte de la passerelle et de la première extension ) ; Duchet Bruno (architecte) ; Kétoff Sacha (architecte) ; Atelier de Midi (architectes) ; Léon Ballot (entreprise) ; Baudin-Chateauneuf (entreprise)
Maitre d'ouvrage
Rectorat-SCARIF ; Université Paris VIII
Parties constituantes
bâtiment d'neseignement, restaurant universiatire, maison des étudiants, logements, amphithéâtre
Illustrations
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- 1404 × 796 pixels
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Photo Guy Bréhinier © Département de la Seine-Saint-Denis, 2013 |
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Photo Guy Bréhinier © Département de la Seine-Saint-Denis, 2013 |
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bâtiment d’enseignement par les architectes Montassut et Trilles
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Photo Guy Bréhinier © Département de la Seine-Saint-Denis, 2013 |
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Photo Guy Bréhinier © Département de la Seine-Saint-Denis, 2013 |
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Photo Guy Bréhinier © Département de la Seine-Saint-Denis, 2013 |
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Au premier plan?, on distingue la bibliothèque universitaire et son bâtiment pont qui surplombe (…)
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Photo Altelia © Département de la Seine-Saint-Denis, 2014 |
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Site historique de l’installation de l’université à Saint-Denis édifié par l’architecte Jean (…)
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© Département de la Seine-Saint-Denis, 2013 |
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Photo Guy Bréhinier © Département de la Seine-Saint-Denis, 2013 |
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A gauche, se situent les bâtiments les plus anciens construits à la fin des années 70 lors de (…)
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Photo Altelia © Département de la Seine-Saint-Denis, 2014 |
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Photo Hélène Caroux © Département de la Seine-Saint-Denis, 2014 |
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Premier IUT de Saint-Denis, il fut édifié en 1968 par les architectes Jean Balladur et (…)
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L’université dans les années 1980 située aujourd’hui sur la partie sud du campus limitrophe avec (…)
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Carte postale © Archives Départementales de Seine-Saint-Denis 2Fi Saint-Denis 304 |
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