Ville-Evrard, d’un fond de cabane à un domaine seigneurial

13 mai 2020 , par Ivan Lafarge

2000 ans d’histoire d’un paysage

En préalable à la construction de l’hôpital psychiatrique de jour destiné aux enfants et adolescents soignés à l’établissement public de santé de Ville-Evrard, le Département de la Seine-Saint-Denis a réalisé un diagnostic archéologique en 2013. Celui-ci s’est révélé positif : les archéologues ont mis au jour des éléments que l’on pouvait d’emblée associer à un ensemble correspondant à un habitat seigneurial (existence d’une plate forme sur laquelle se développe une partie des vestiges, présence d’une glacière médiévale, ampleur et qualité inhabituelle des maçonneries).
Le service régional de l’archéologie d’Île-de-France (SRA?) a donc prescrit une fouille, que le Département a pu réaliser en 2015. Contrainte par un calendrier serré, cette opération a été réalisée en deux mois et demi, du 2 février au 17 avril 2015.
La fouille a permis de confirmer les observations du diagnostic en mettant au jour une partie de la plateforme castrale, tout en en relativisant les conclusions : ce qu’on avait initialement perçu comme un château fort relève plus d’une maison forte, finalement un modèle très répandu d’habitat des petites seigneuries dans la France médiévale.

Le terrain où se situe l’actuel établissement public de santé de Ville-Evrard se trouve sur la moyenne terrasse? de la Marne et surplombe légèrement les terrains de la Haute-Ile, face à Gournay-sur-Marne. Cette formation d’age glaciaire est marquée par des trouvailles ponctuelles d’objets préhistoriques depuis près d’un siècle. Cet espace s’inscrit également dans un riche contexte patrimonial, bien documenté par l’archéologie et les archives, notamment pour le château de Ville-Evrard.

En guise de préambule : réserves scientifiques

L’étude archéologique évolue en fonction de l’acquisition des données par la fouille et l’étude du matériel archéologique trouvé lors des fouilles. Chaque campagne apporte son lot d’informations. L’archéologie préventive? engendre la réalisation de fouilles en fonction des besoins de l’aménagement, avec une importante variabilité opérationnelle en fonction du type de travaux et des surfaces impactées. Le plus souvent les données d’une fouille préventive revêtent un caractère partiel, mais la réalisation de plusieurs opérations de fouilles sur un territoire donné peut être très complémentaire. Les données présentées ici, largement interprétatives, revêtent ce caractère partiel et restent soumises à une réinterprétation dans la mesure de l’éventuelle réalisation de fouilles futures. Les interprétations qu’on fait aujourd’hui restent donc très hypothétiques.
Les dessins ponctuant cette synthèse sont des propositions de restitution du paysage sur le site de Ville-Evrard du Ier au XVIIIe siècles. Nous avons centré ces dessins de restitution de l’évolution du paysage sur l’emprise de la fouille réalisée en 2015, au sud de la route, actuelle RN34 (Av. Jean Jaurès à Neuilly-sur-Marne). Pour visionner les illustrations, un peu à la manière d’une bande dessinée, vous pouvez cliquez sur la première image, et, simplement, dérouler les images, les unes après les autres.

Phase 1, v. 100 – v. 800 (Ier – IXe siècles) : l’occupation rurale antique et mérovingienne

Les années 100 à 800
Paysage sur le site de Ville-Evrard du Ier au IX siècle : un site rural, dédié à l’exploitation agricole.
Dessin @ Ivan Lafarge / BPA / Conseil départemental de Seine-Saint-Denis

La première phase d’occupation recouvre une période assez large comprise entre le début de l’époque gallo-romaine et le début de l’époque mérovingienne. Cela n’exclut pas des fréquentations anciennes du site, mais indique seulement que les premiers vestiges caractérisés (c’est-à-dire identifiés et datés avec certitude) remontent à cette époque. En l’occurrence, il s’agit de traces assez ténues : quelques trous de poteau, un fond de cabane (que l’on pourrait assimiler à une cabane à outils) et des fosses de plantation datées du premier au IIIe siècle. La seule structure? mérovingienne est l’une fosse de plantation, qui témoigne de la pratique de marcottage? de la vigne.
Toute cette période, jusqu’au IXe siècle, en fait, n’est marquée que par l’activité agricole.

Phase 2, v. 800 – v. 1150 (IXe – XIIe siècles) : un domaine agricole carolingien et alto-médiéval

Les années 800 à 1150
Trois bâtiments en dur sont construits : une grande maison posée sur des fondations légères en pierre et des poteaux en bois, un petit bâtiment en bois avec des murs en terre ou en plâtre, et un édifice monté sur un soubassement? en pierre. La zone bâtie est délimitée à l’est par une palissade et au sud par un mur bordé par un chemin. Cet aménagement de l’espace marque le paysage durant tout le Moyen-Âge.
Dessin @ Ivan Lafarge / BPA / Conseil départemental de Seine-Saint-Denis

L’occupation du terrain continue d’être de type rural, avec probablement encore quelques rangs de vignes, des pâtures et des champs. Cependant, on relève plusieurs concentrations de silos (fosses de conservation pour les graines de légumineuses et de céréales – blé, avoine, pois...) et la présence d’au moins trois bâtiments dont la structure est assez variée : au sud-est, un petit bâtiment léger à structure de poteaux porteurs et murs hourdis? de terre et/ou de plâtre ; au nord de la zone, une grande bâtisse mixte à structure de poteaux poteurs et solins? de pierre, et maçonneries légères ; enfin, un bâtiment dont au moins le rez-de-chaussée? est en maçonnerie de pierre. S’il est certain que ce ces bâtiments relèvent de l’habitat, leur conservation partielle et notamment la rareté de traces de conservation des sols d’occupation en rend la compréhension difficile. L’apport du mobilier retrouvé dans les silos, les fosses de rejet? et les parties construites est donc essentiel pour interpréter leur organisation interne, leur usage, et la vie quotidienne qui s’y déroulait.
Ces trois bâtiments forment une zone qui sera occupée jusqu’à la fin du Moyen-Âge : elle est délimitée au sud par un mur de terrasse qui marquera le paysage durablement, et qui est longé par un chemin. Dans la zone entre le mur de terrasse et le chemin, très peu d’observations archéologiques ont pu être conduites, mais au moins deux tombes y ont été fouillées. Sur la partie haute, la zone formée par les trois bâtiments semble ouverte côté ouest et partiellement enclose d’une palissade à l’est. Cependant, on ne connaît ni le rôle réel de cette palissade ni de quel côté elle se développe.

Une anecdote historique complète ce panorama : il est possible que ce soit sur ce site que le futur Louis VI vienne installer son cantonnement en 1107 lorsqu’il met le siège devant le château de Gournay-sur-Marne pour assujettir le seigneur Hugues de Crécy (dit Hugues de Pomponne), fils du comte Gui de Rochefort (dit Gui le Rouge), châtelain de Gournay. Ni le père, ni le fils ne reconnaissent l’autorité royale, et tous deux s’adonnent volontiers au brigandage.

Hugues de Pomponne, vaillant chevalier, châtelain de Gournay, château situé sur les bords de la Marne, s’était saisi à l’improviste sur une route royale de chevaux appartenant à des marchands et les avait amenés à Gournay. Cette outrageante présomption mit Louis comme hors de lui. Il assemble un ost, met le siège devant le château, brusquement, afin de priver les assiégés de provisions de bouche, et, très vite, il ferme le cercle d’investissement.
 
Passage extrait de la biographie de Louis VI par l’abbé Suger?, Vie de Louis VI le Gros, éditée et traduite par Henri Waquet, Paris, Librairie Ancienne Honoré Champion éditeur, 1929, p. 69 - 81.

Le roi prend le château, bien fortifié mais "mal défendu par une garnison amollie par la paresse et l’inaction", rapporte Suger. Il mate Hugues de Crécy et lui confisque ses biens. Le seigneur vaincu se retire alors à l’abbaye de Saint-Denis, puis à celle de Saint-Martin-des-Champs, pour y finir sa vie en méditant sur ses péchés.

Phase 3, v. 1150 – v. 1250 (XIIe – XIIIe siècles) : les premiers éléments castraux ?

Les années 1150 à 1250
Les trois bâtiments sont totalement ou partiellement modifiée : la grande maison est peut-être détruite pour élever une tour ; le petit édifice léger devient une vraie maison ; le bâtiment à soubassement? en pierre existe toujours. D’autres bâtiments plus petits sont construits. Le mur bordé par un chemin est toujours là, et une clôture est peut-être aménagée du côté est.
Dessin @ Ivan Lafarge / BPA / Conseil départemental de Seine-Saint-Denis

Certains éléments bâtis de la phase précédente subsistent, en particulier le bâtiment à soubassement? en pierre. La grande maison est remplacée par un bâtiment monumental en pierre. Cet édifice qu’on interprète pour le moment comme une tour est très mal documenté par l’archéologie car les pierres qui le constituaient ont été intégralement récupérées jusqu’aux fondations, y compris les caves. Une seule partie du plan? en a été perçue lors des fouilles : on ne peut donc proposer ici qu’une hypothèse de restitution que d’autres observations pourront modifier. Vers le sud-est, la masure légère a été remplacée par un bâtiment plus conséquent, destiné à l’habitation. A ces bâtiments importants s’ajoutent de plus petites constructions dont le statut reste assez flou.
L’espace est toujours marqué par le mur de terrasse au sud. L’enclos représenté sur le dessin est hypothétique : en fait, on ne connait pas de réelle clôture du côté ouest avant le XVIe siècle, qui sera constituée par un fossé. C’est précisément l’aménagement de ce grand fossé, constituant la partie ouest de l’enceinte du XVIe siècle, orienté selon un axe nord-sud, qui rend cette hypothèse d’une clôture antérieure plausible.

Phase 4, v. 1250 – v. 1350 (XIIIe – XIVe siècles) : un château seigneurial

Les années 1250 à 1350
L’organisation générale de l’espace ne change pas. Le bâti se densifie avec la construction d’un nouveau bâtiment et l’aspect de l’ensemble évolue certainement vers une apparence plus massive, plus impressionnante.
Dessin @ Ivan Lafarge / BPA / Conseil départemental de Seine-Saint-Denis

Pendant cette phase d’occupation, les limites encloses restent hypothétiquement les mêmes, tandis que l’aspect castral du site semble se renforcer : la tour subsiste, ainsi que le bâtiment à soubassement en pierre de taille et la maison construite à la phase précédente au sud-est de la zone. Un nouveau bâtiment du même type est édifié, au sud du bâtiment à soubassement de pierre, en position assez centrale. Il en résulte une concentration bâtie importante.
Il faut noter que la majorité du bâti n’est pas en pierre de taille, mais plus certainement en structure à pans de bois hourdés au plâtre sur fondations de moellons, qui sont des structures à la fois solides et légères.

Phase 5, v. 1350 – v. 1490 (XIVe – XVe siècles) : le développement des parties d’agrément du château

Les années 1350 à 1450
La tour est encore fonctionnelle, alors que le bâtiment d’habitation au sud-est est abandonné. Les deux bâtiments centraux sont agrandis et réunis en un seul. Le mur au sud et le chemin bordier sont toujours présents mais la construction d’une glacière montre qu’un parc a été aménagé sur les terrains environnants, au sud du chemin. Du côté ouest est peut-être aménagée une basse-cour?, avec un nouveau bâtiment, au-delà de l’hypothétique enceinte.
Dessin @ Ivan Lafarge / BPA / Conseil départemental de Seine-Saint-Denis

Durant cette phase, on n’observe pas de changement de limite. Alors que le bâtiment d’habitation au sud-est semble être abandonné, le bâtiment central construit lors de la phase précédente est agrandi, ainsi que le bâtiment à soubassement de pierre : les deux sont accolés et forment maintenant un ensemble jointif à plan en L. Cependant, la fonction de ce bâtiment réaménagé reste pour nous indéterminée. Il est possible qu’il soit destiné à l’habitation, mais des fonctions multiples y sont aussi envisageables, comme le stockage en rez-de-cour. Une fois encore, la forte altération des sols complique notre compréhension des vestiges. Des sols de plâtre ont toutefois été retrouvés dans l’aile sud, avec des restes de foyer de cheminée et des bases de cloisons en plâtre montées sur pan de bois, sur des structures de chevrons.
Si la portion d’enceinte est toujours hypothétique à l’ouest, tout porte à croire que se développe de ce côté une basse-cour?. En effet, on a pu observer là une maison caractérisée par une cave à trois niche formant un plan cruciforme et les fondations d’un des murs gouttereaux?. Ce type de bâtiment est fréquent dans cette disposition à l’échelle? régionale, comme les caves à niches, bien représentées pendant l’époque médiévale.
La tour est toujours en fonction et le mur de terrasse également. Au sud, le chemin qui subsistait probablement depuis l’époque carolingienne (phase 2), est privatisé. En effet, l’installation d’une glacière au sud de ce chemin au XIVe siècle marque la reprise des terrains environnants et leur transformation en parc.

Phase 6, v. 1500 – v. 1610 (XVIe siècle) : un château de plaisance à la Renaissance

Phase 6a, v. 1500 – v. 1550 : ré-aménagement du château

Les années 1500 à1550
Les bâtiments précédents sont délaissés, détruits ou intégrés dans un nouvel ensemble architectural. Des bâtiments de façade s’élèvent le long du fossé ouest, qui est alors aménagés.
Dessin @ Ivan Lafarge / BPA / Conseil départemental de Seine-Saint-Denis

Au XVIe siècle, la conception du château évolue. En réalité, depuis la fin du Moyen-Âge, le château n’est déjà plus spécifiquement une place-forte, mais c’est avec la Renaissance que sont aménagés de nombreux « châteaux de plaisance ». Les aristocrates reconstruisent leurs résidences selon les critères de l’architecture « à la française », à l’instar des résidences royales de Fontainebleau ou d’Ecouen.
Un grand fossé est creusé du côté occidental. La contrescarpe de ce fossé a livré de nombreux blocs de remploi médiévaux, alors que l’escarpe portant l’édifice est construite en pierre neuve. Le château de Ville-Evrard se développe avec une façade à redans?. Le soubassement de la façade est en pierre de taille, mais, vraisemblablement, l’élévation est en brique avec harpages? et chambranles? de pierre et des refends en plâtre sur pans de bois. L’ensemble était sans doute couvert d’ardoise plutôt que de tuile.

Phase 6b, v. 1550 – v. 1610 : disparition des dernières dépendances médiévales

Les années 1550 à 1610
Le château est désormais un château de plaisance, agrandi, embelli, et agrémenté d’un parc, pour le plaisir des sens et la promenade. Il ne subsiste plus aucun bâtiment de la période médiévale.
Dessin @ Ivan Lafarge / BPA / Conseil départemental de Seine-Saint-Denis

A ce moment-là, l’organisation spatiale du château serait basiquement la même qu’à la phase 6a, mais l’ensemble des dépendances d’origine médiévale ont été soit reconstruites au goût du jour, soit détruites au profit de nouveaux aménagements. Le parc est largement aménagé pour l’agrément.
Bien dans son temps, l’ensemble correspond désormais, de fait, à un château de plaisance. Ce type de résidences se développe de plus en plus dans le courant du « siècle d’or », en même temps que l’architecture fait alors des progrès formels considérables.

Phase 7, v. 1700 – avant 1780 (XVIIIe siècle) : la reconstruction complète d’un château aristocratique

Les années 1650 à 1750
Le château de la Renaissance a été détruit ; un nouveau château a été reconstruit plus loin. Un parc géométrique à la française, de parterres et de bosquets, d’allées et de plate-bandes, l’agrémente.
Dessin @ Ivan Lafarge / BPA / Conseil départemental de Seine-Saint-Denis

Le château qui a existé jusqu’au XVIIe siècle a été démoli et reconstruit plusieurs dizaines de mètres au nord-est, un peu plus haut sur la terrasse alluviale. La présence de grands fossés et le déplacement du château sont peut-être liés à un pic de péjoration climatique du Petit âge glaciaire (env. 1350-1850), au cours duquel le froid et l’humidité, en bordure de Marne, génèrent inconfort et crues plus fréquentes. En effet, cette période de refroidissement la plus importante de l’Holocène? atteint son paroxysme au XVIIe siècle : on enregistre alors un recul des températures moyennes de deux degrés Celsius, les étés sont pluvieux, les hivers glaciaux, les rivières gèlent fréquemment.
Cette phase d’occupation impose de fait un changement d’échelle, car l’occupation du terrain n’est plus caractérisée par le château seul, mais aussi par le parc. Le parc que laisse entrevoir l’archéologie, outre la présence d’un petit bâtiment carré, est constitué d’allées marquées par des haies et des plates-bandes - mais il est difficile de reconnaître avec certitude les boulingrins? du fait des variations de niveaux du sol et des importants remblais modernes apportés à partir du XVIIIe siècle afin d’homogénéiser la surface du parc. A cette époque le parc est déjà organisé en bosquets et parterres ; vraisemblablement, les fossés en eau qui le structurent, s’ils feront l’objet de réorganisations ultérieures, existent déjà.
La carte dite "de Delagrive" figure l’ensemble du domaine dans les années 1740.

Carte de Delagrive, détail : Ville-Evrard (1740)
Le domaine, reconstitué après son démembrement à la Révolution, figure sur la carte dite de l’Abbé Delagrive, Les environs de Paris publiés géométriquement, Paris, 1740. L’emprise de la fouille archéologique menée préalablement à la construction de l’hôpital de jour pour enfants est indiquée en rouge.
© Département de la Seine-Saint-Denis

Phase 8, 1781

Plan? d’intendance de la généralité de Paris, détail : Ville-Evrard (1781)
Château et parc de Ville Evrard à l’époque moderne, tels qu’ils figurent sur le plan? d’intendance levé entre 1777 et 1789. Il couvre notamment une partie de l’Ile-de-France, et donne une vision très précise du territoire à la fin du XVIIIe siècle. Y sont finement dessinées et aquarellées la topographie, l’habitat, les routes et les cultures, les prés et les vignes.
© Département de la Seine-Saint-Denis

A la fin du XVIIIe siècle, le parc a acquis une forme aboutie. On reconnaît sur le plan d’intendance de 1781, en avant du château et vers le nord, l’ensemble des bâtiments qui en constituent les dépendances - et qui deviendront la ferme qui existe encore aujourd’hui. Au nord de la ferme se développent les potagers et la melonnière. Le parc avec de nombreux bosquets se développe vers le nord et l’est, au sud, en direction de la Marne, on reconnaît des parterres et des boulingrins. La clôture du parc est constituée au sud d’un grand fosse-canal en eau agrémenté de demi-lunes dont une entourant une île artificielle, qui existent encore partiellement aujourd’hui.

Phase 9, 1812

Cadastre napoléonien, détail : Ville-Evrard (1812)
Extrait du plan? cadastral dressé en 1812 de Neuilly-sur-Marne, section C. Cette feuille montre notamment le domaine de Ville-Evrard.
© Département de la Seine-Saint-Denis

A la Révolution, le château et le domaine sont démantelés. La parcelle du parc et du château cependant gardent leur unité. Le cadastre ne détaille pas le parc, mais on suit très bien l’évolution du bâti de la ferme. Les bâtiments figurés en 1812, bien que remaniés depuis, existent encore aujourd’hui pour la plupart.
Le domaine a été démantelé à la Révolution : il est reconstitué à partir de 1804 par le général de brigade François-Xavier Donzelot. A son décès en 1843, le domaine foncier de Ville Evrard est à peu près complété, dans les limites que montrait la carte de Delagrive 100 ans auparavant. Il passe dès lors entre les mains de plusieurs propriétaires. En 1856, le domaine agricole sert à une ferme expérimentale qui fait faillite. Par la suite, les héritiers cèdent progressivement les terrains au Département de la Seine, de 1863 à 1885.

Phase 10, 1873-1876

Carte d’Etat Major, détail : plan? de l’asile de Ville-Evrard (1873-1876)
L’hôpital psychiatrique - l’asile - est représenté sur la carte d’état-major levée par le Service géographique des armées entre 1873 et 1876.
© IGN, Département de la Seine-Saint-Denis

En 1862, le Département de la Seine décide la création d’un « asile d’aliénés » et choisit le site de Ville-Evrard pour cette installation. L’hôpital sera construit dans les années suivantes. L’existence de la ferme et des terrains agricoles environnants jusqu’à la Haute-Ile et le bord de la Marne permettront pendant de nombreuses années à cet établissement son autonomie alimentaire. Les internés participent aux travaux agricoles, ce qui participe à leur protocole thérapeutique.

Phase 11, 1949

Photographie aérienne, 1949
Photographie aérienne du domaine de Ville-Evrard, en 1949.
© IGN

L’hôpital psychiatrique et ses domaines évoluent jusqu’à la fin du XXe siècle, où les méthodes thérapeutiques et les ressources de l’économie publique ont évolué de manière à favoriser à nouveau le démantèlement du domaine : cession de la Haute Ile et des terrains environnants.
En 2012 émerge le projet d’hôpital psychiatrique de jour pour adolescents qui a engendré les fouilles archéologiques.

Phase 12, 2015 : fouille du site

Une fouille d’archéologie préventive a été prescrite, préalablement à la construction d’un nouveau bâtiment hospitalier. Elle est conduite en trois mois environ, après une phase de diagnostique, par des archéologues du Bureau du patrimoine archéologique d Département de la Seine-Saint-Denis et de l’Institut national de Recherches archéologiques préventives (INRAP).

Vue aérienne du site en cours de fouille, mars 2015
Au premier plan? on aperçoit le site en cours de fouille ; au second plan, la ferme de l’hôpital avec au sud-ouest un bâtiment du XVIIe siècle encore en élévation, juste à droite le château du XVIIIe siècle, reconnaissable à ses pavillons latéraux.
Photo © Emmanuelle Jacquot / BPA / Département de la Seine-Saint-Denis / Les films d’Eole

Phase 13, aujourd’hui : un bâtiment innovant pour accueillir les enfants autistes

Là où a été conduite la fouille, un bâtiment de plain-pied de 1800 m2, d’architecture très moderne, s’élève désormais : un hôpital de jour pour les petits autistes. L’histoire continue...

Ressources en ligne et bibliographie

Téléchargez le rapport du diagnostic archéologique de 2013 et le rapport de la fouille préventive de 2015.

A. Roumieux, Ville-Évrard : murs, destins et histoire d’un hôpital psychiatrique, Paris : l’Harmattan, 2008

A. Salamagne, C. Alix, L. Gaugain dir. -Caves et Celliers dans l’Europe médiévale et moderne, Presses universitaires François Rabelais, Tours, 2019, 444 p., en particulier l’article d’I. Lafarge - « Caves de plâtre de la région parisienne », p. 144-147

Ville-Evrard, la ferme et la Haute-Île, Bulletin de l’association François-Xavier Donzelot, numéro hors-série, Neuilly-sur-Marne, octobre 2001

Waquet H. – Suger?, Vie de Louis VI le Gros. Paris, Librairie Honoré Champion éditeur, collection Les classiques de l’histoire de France au Moyen Age, 1949, 332p.